sexta-feira, 29 de fevereiro de 2008

La politique c'est l'amour

Entretien réalisé à Paris 19 septembre 2001

Par Nadia MEFLAH

Né en 1959 à Lisbonne, le cinéaste Pedro Costa tourne depuis 1988. Très fortement remarqué aux festivals et applaudi par la critique internationale, son premier long-métrage O Sangue l'impose comme un cinéaste portugais majeur. Suivront deux autres films vénéneux Casa de lava en 1994 et Ossos en 1998, ainsi qu'un portrait/documentaire sur les Straub : Danielle Huillet, Jean-Marie Straub cinéastes/ Où git notre sourire enfoui pour la série Cinéaste de notre temps Arte ( Pedro Costa explique les aléas du film " Je ne peux dire qu'une vérité soft sur ce qui s'est passé à ce sujet où il existe deux versions d'un même film. Arte n'est pas tellement différente de Canal Plus ou n'importe quelle télévision, il ne faut pas se faire d'illusion. Au début, il y avait l'espoir de créer quelque chose de bien avec la télé et cela n'existe pas. On m'a demandé de faire cela, j'étais content de cette commande, c'était la première et je ne crois pas que j'en aurai d'autres. Je voulais le faire car j'admire ces gens et c'était à un moment qui m'intéressait : apprendre ce qu'est le cinéma en les voyant monter et s'ils parlaient, tant mieux ! L'hypocrisie de cette chaîne de télévision vient du fait qu'elle n'a jamais donné un centime pour la production cinématographique de leurs films. Ni de diffuser un de leurs films car ce serait faire du tort à leur grille. C'est assez bizarre, ils veulent bien un film sur les Straub mais pas des Straub. Ils veulent l'auteur, l'artiste et non leur travail. Une marque déposée Straub car ils font spectacle et c'est dommage. Ils font spectacle lorsqu'ils disent ne pas vouloir couper le plan où un oiseau chante car ils aiment tellement le cinéma. Ca fait rire alors que c'est très simple : on a un son d'oiseau et le minimum de respect est de ne pas le couper au milieu. Sinon on est dans la barbarie, on va couper la fille et ainsi de suite. Ca commence là. Il suffit d'être là avec les gens et la lumière arrive. Les plus grands films politiques sont mystiques. Le film sortira en salle dans sa version d'origine dans une salle et je viendrais avec eux j'espère le présenter.)

Jusqu'à la confrontation fulgurante de son dernier film Dans la chambre de Vanda sur nos écrans depuis le 19 septembre dernier, je ne connaissais strictement rien de ce cinéaste portugais ; si ce n'est de très vagues échos d'un film dit "culte" Ossos que lui-même non pas renie mais écarte de ce qui le meut : à savoir une radicalité fiévreuse d'une vérité de la vie à dire. Comme ça. Rompre tout le temps avec ce qui nous précède afin de tendre à l'épure du souffle qui est là, devant nous. Sans trahir. Sans en avoir peur. Pedro Costa le répète comme une parole incantatoire " ne jamais être plus fort que ce qui se passe devant la caméra " et par là-même s'affronter à ce qui nous résiste : une réalité certaine de la vie. Mais quelle vie ? Celle de Vanda, femme qui résiste au cinéma (celui de la représentation, du type, du personnage) et au cinéaste. Rencontrée sur le tournage de Ossos, en 1997 dans le quartier Cap Verdien de Lisbonne Fontainhas, Vanda Duarte l'interpelle. Filme-moi si tu en es capable. Mais alors fais-le vraiment. Le travail peut commencer ; celui de la rencontre : à soi, à l'autre, au monde. Ce qui fait le cinéma en somme…
Durant deux ans, dans trois mètres carrés, seul avec sa caméra DV et un compagnon de son, Pedro filme Vanda dans sa chambre durant des mois. Plus de cent trente heures de matières vivantes pour ce film de près de trois heures. Alors tout spectateur ressent en ces chairs l'entière et immense palpitation des puissances du cinéma. Enfin.


Objectif Cinéma : Que s'est-il passé avec le distributeur du film Paulo Branco quand à la présentation de votre film sur les écrans ? Il n'y a pas d'affiches par exemple.

Pedro Costa : Ce n'est peut-être pas le genre de film qui a droit à des affiches dans les rues. Je ne sais pas. Seulement voilà, les spectateurs doivent lire les journaux pour savoir que le film existe et qu'il est projeté dans deux salles à Paris. Pour combien de temps, je ne sais pas. Si le film ne fait pas un minimum de spectateurs, j'ai très peur qu'il disparaisse, alors même qu'il n'y a aucune image ou photo dans les rues ou les salles pour annoncer le film. Les critiques m'appellent, comme vous d'ailleurs, et ils font leur travail d'annonce car ils aiment le film.

Objectif Cinéma : Combien avez-vous eu d'heures de rushes pour ce film?

Pedro Costa : 160 heures de film. J'ai commencé à tourner le film tout seul à partir de 1998 avec une caméra Panasonic coûtant 20 000 francs (3051 euros). C'est déjà un modèle ancien qui n'existe plus sur le marché, il y en a d'autres plus petites et perfectionnées. J'ai acheté un pied fixe pour la caméra, comme pour les appareils photo en fait, de très classique et je suis partie dans le quartier de Fontainhas où je connaissais des gens. Je voulais faire quelque chose, je ne savais pas très bien quoi, à part filmer Vanda, pas exactement filmer sa chambre mais la filmer elle.

Objectif Cinéma : Vous l'aviez rencontrée sur le tournage de votre précédent film Ossos.

Pedro Costa : J'avais un mélange d'acteurs et des gens comme Vanda, qui n'étaient pas des comédiens. J'ai eu d'énormes difficultés avec eux, non pas à les diriger ou que j'avais peur qu'ils ne soient pas à la hauteur des autres. Non, je sentais plutôt de leur part, et surtout de Vanda, une résistance à cette chose qu'est le cinéma. Et comme tous les pauvres cons qui sont dans le cinéma, je m'attendais à ce qu'ils soient fascinés par le cinéma, de cette séduction où l'on fait tous la pose. Cela se passe toujours ainsi sur un tournage de film ; c'est très visible car tout un chacun pose comme pour une photographie. Et ça ne dit rien du film. Ce n'est pas très méchant ce que je dis là, seulement ce n'est plus un travail auquel on a affaire, mais à une affaire de séduction où tout le monde se regarde en train de poser.
Le tournage d'un film n'est plus un tournage où l'on puisse bien travailler. On n'a plus le temps. On peut être coincé par des horaires de feuilles de services où tout est marqué, calibré : manger de telle heure à telle heure, tourner tant de plans et pas plus sinon c'est la catastrophe et le directeur de production vous tombe dessus. C'est ce que j'ai connu pour mes quatre précédents films. Je ne crois plus à un tournage de cinéma. Si ce n'est bien organisé et il faut du temps alors. Si le film demande quatre personnes, faisons-le avec ces quatre-là et ne mettons pas dix-huit personnes sur le film juste pour obéir au syndicat et aux combines d'amis ou du producteur. Il y a plein de choses dont on n'a pas besoin pour tourner un film, les moyens peuvent manquer car on a profité d'hôtels de luxe inutiles par exemple. L'argent dépensé sur un tournage passe dans ces dépenses de luxe social et non pour le luxe disons artistique. Le luxe peut être dans les conditions de travail. Dans le temps de recherche consacré à l'élaboration du film, à pouvoir penser et travailler dans le temps avec les comédiens. C'est ce que j'ai eu pour Vanda. J'ai choisi de ne pas être payé, j'ai commencé comme ça. Il fallait juste acheter des cassettes vidéos, en plus de la caméra, et ce n'est pas très cher.

Objectif Cinéma : Combien vous a coûté le film ? Et quel type de montage avez-vous utilisé ?

Pedro Costa : Il doit coûter environ 1% d'un film moyen portugais, et je ne dis même pas français qui sont plus chers ! Ce qui est revenu très cher c'est le kinéscopage du film en 35mm. Le problème est que parfois on se fait piéger naïvement, mais c'est un film très naïf aussi. Où il y avait une dimension quasi impossible dans le film même : je ne savais pas si j'arriverais à entrer dans le monde Vanda et ne sachant pas quoi raconter de ce monde auquel je n'appartenais pas. Tout l'effort consistait à essayer d'appartenir à ce quartier, et le faire de manière intéressante et vivante à l'image, avec des moyens impossible dans un espace réduit. La chambre de Vanda ne fait que 3 mètres carrés à peine, une toute petite pièce et où le cinéma arrive à fabriquer des choses " bigger than life " comme ils disent. Il y a le lit dans la chambre et environ cinquante centimètres d'espace où j'étais à la filmer, debout. Contre le mur ou contre le lit. Le quartier contient 9000 personnes dans un espace réduit. Ce que l'on a lu dans les livres terrifiants qui annonçaient ces vies dans des catacombes, cela existe. A Lisbonne comme à Alger ou à Rio. Je ne sais pas si cela existe ici en France, il faudrait aller voir.
Donc pas d'espace, pas d'eau potable, l'air est mauvais, on mange mal, on a froid, on a trop chaud. Je voulais parler de cela car je sentais que l'on pouvait le faire ressentir dans le film. Deux ou trois choses de la vie des gens, tout simplement. Et je ne pense pas qu'avec un tournage classique on puisse faire cela, où alors avec énormément d'agent et de temps afin de respecter son projet. Mais je ne crois pas que cela existe, il faut penser à d'autres formes de production. Pour le montage sur AVID, j'étais naïf, cela ne suffit pas de vouloir faire un film sans moyens et j'étais peut-être trop seul avec mon copain qui faisait le son. Il n'était pas tout le temps là car il devait travailler pour gagner sa vie car je n'avais rien pour le payer, ou alors un peu quand j'en avais. Je me suis fait piéger par ce qui se passe en ce moment avec la digital vidéo. Tout le monde dit que c'est la liberté du cinéma, la nouvelle vague pour tout le monde. Lars von Trier l'affirme : tout le monde peut faire des films. On voit ce qui se passe (rires communs et complices). Avec lui, ça coûte mille fois plus que n'importe quel film français en 35mm. Il dit des conneries. Le piège est le montage en AVID qui est cher, il faut des disques et cela coûte très cher avec 120 heures. Et il faut du temps pour monter. De même, personne ne dit que le son Dv est mauvais, les techniciens vont tellement vite dans les progrès d'image alors que le son est à la traîne. Ce n'est pas par hasard. C'est une guerre économique énorme entre les grands groupes industriels.

Objectif Cinéma : On a du mal à imaginer une équipe de tournage de 50 voire 100 personnes dans le quartier où vit Vanda.

Pedro Costa : Au début, je pensais ne pas pouvoir tenir, que cela me demanderait de fournir un effort énorme.

Objectif Cinéma : Vous alliez tous les jours chez Vanda ? Comme pour aller au travail ?

Pedro Costa : Oui, tous les jours et sans feuille de service. Vous savez ce que c'est une feuille de service au cinéma ? On vous la donne tous les jours et c'est très militaire, hiérarchisé. Là vous avez tout : comment faire sur un tournage et comment vous tenir. Quel costume ou quel décor à prendre, quand tourner et à quelle heure. Quand vous devez manger et quand vous devez partir. Et moi je ne peux pas. Vais-je pouvoir faire ce plan de 11h à 11h40 ? On ne sait jamais et même un photographe quand il fait une photo. Mais on peut faire semblant de dire oui, que le plan est bien fait et que l'acteur était bon alors que l'on n'est jamais sûr vraiment d quoi que ce soit. Mon idée est que le cinéma, personne ne sait ce que c'est. C'est inimaginable, à l'heure actuelle, pour un jeune type, qui veut faire un court-métrage, en face d'un producteur et de lui dire : " voilà monsieur, je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas ce qu'est le cinéma mais je veux faire un film." Tout cinéaste responsable doit dire cela, c'est la vérité. Après il demande un peu de moyens pour chercher cette chose, avec des copains ou avec quarante personnes si c'est le cas. Il faut avoir seulement ce dont on a besoin, et non le double ou le triple car les suppléments vont toujours ailleurs, jamais pour le film, mais dans les voyages, les hôtels de luxe. Tout est devenu star à notre époque. Et cette notion de star ou de chef-d'œuvre pour n'importe quel film qui sort maintenant chaque semaine nuit au cinéma. Cela conduit à rien : mon film n'est pas un chef-d'œuvre et cela fait du mal. Il faudrait faire des films plus simples, avec de stars pourquoi pas, et les sortir correctement sur les écrans sans faire des catégories. Ce qui est impossible !

Objectif Cinéma : En vous écoutant, je repense à ce que Jean-Luc Godard déclarait à Bernard Pivot, lors de la sortie de son film Hélas pour moi, de vouloir retirer son nom du film et séparer ainsi le personnage " godard " de sa personne propre

Pedro Costa : Des gens comme Godard ou les Straub, moins connus du grand public, sont devenus des marques. Godard est devenu un slogan et qu'il fasse un film plus ou moins inachevé ou un chef-d'œuvre, ce sera toujours du Godard. Je regrette un peu qu'il n'y ait plus de système comme il y a eu à Hollywood.

Objectif Cinéma : Vous citez souvent deux cinéaste de cette époque hollywoodienne, Chaplin et Lang, comme des metteurs en scène artisans maîtrisant la chaîne de production de leur film, notamment pour Charles Chaplin.

Pedro Costa : Ce qu'on apprend très vite au métier du cinéma, c'est qu'il n'y a pas de secret technique. Il n'y a pas de mystère du cinéma. Si on fait une photo ou un film, cela s'apprend très vite au bout du deuxième et troisième film. Il y a de très grands films de l'histoire du cinéma qui ont une mauvaise image ! je commence avec Rossellini et son film Rome Ville ouverte (1945) c'est la photographie la plus merdique du monde, on n'entend rien et pourtant le film est splendide. Il n'y a donc pas de secret artistique ni de pose d'artiste, ce dont je déteste. Lorsque vous demandiez à John Ford pourquoi il filmait toujours dans ses Montagnes Rocheuses, il vous répondait que l'air était pur et que l'on mangeait très bien. Au fond, il avait raison, il n'y a pas de secret artistique. Seulement du travail.
Chaplin, parfois, ne savait pas quoi faire sur le plateau. C'est en se mettant au travail qu'il trouvait la matière, alors il découvrait les choses petit à petit. Il y a un très beau documentaire[1] en cassette vidéo, que l'on peut se procurer facilement, où l'on voit Chaplin qui fait un nombre incalculable de prises et il craque, il ne sait plus quoi faire, il s'en va. Il trouve mais plusieurs mois après. C'est l'histoire de la fleur des Lumières de la Ville (1931).

Objectif Cinéma : Cela vous est-il arrivé avec Vanda ? C'est elle l'initiatrice du film, elle vous a lancé un défi en vous demandant de venir chez elle la filmer

Pedro Costa : Oui c'est elle mais je suis un peu loin de cette origine, de ce début. Si c'est une fiction que je me suis faite dans ma tête, mais je ne crois pas !

Objectif Cinéma : Vous êtes-vous interdit de filmer certains plans ?

Pedro Costa : Oui mais ce n'était pas une question de principe. Dans ce sujet assez crispant car il s'agit filmer des gens qui sont très mal car ils n'ont pas d'argent ou de drogue et ils sont très pauvres. Il faut faire très attention. Je ne sais pas comment dire sinon je vais tomber dans ce piège poétique que je déteste. Je ne veux pas leur mentir ni les violer. Leur dire que je vais faire un film et le faire vraiment, que le film sortira et qu'il sera vu par des gens, dans les même salles que les productions commerciales avec 500 salles pour un seul film. Le mien est dans deux salles pour ceux qui veulent bien rester trois heures. Certains vont peut-être s'emmerder mais quatre autres aimeront et resteront jusqu'au bout. Le devoir du cinéaste est aussi de savoir qu'il y a des limites morales et ce n'est pas un mot sordide que la morale. Une morale qui soit une liberté pour protéger les gens. Vanda ne sort pas salie ni violée du film. Elle a vu le film comme tout le monde d'ailleurs du quartier. Ils voulaient savoir et ils m'ont dit des choses, par exemple qu'ils n'aimaient pas telles scènes et c'est bien car ça fait partie du travail. Pour les garçons, l'un disait que cela n'allait plus pour lui car il avait trop parlé de sa mère et il ne le supportait pas de voir le film en entier. Il a pleuré. C'est le garçon noir dans le film et il nous touche beaucoup. C'est le danger de ces films comme le mien où les gens se risquent trop parfois ; moi dans ma petite fonction de fonctionnaire du cinéma et eux dans ce qu'ils vivent, sans faire semblant d'arracher une larme, ce qu'il n'y a pas dans le film. Mais on peut imaginer des océans de larmes et cela touche beaucoup plus. Ces larmes sont là avant et après mais jamais dans une urgence obscène du présent. Je reviens à cette histoire de patience opposée à l'urgence. Je déteste le piège de la séduction où l'on se déverse comme certains comédiens, pour soi-disant dire une urgence de la souffrance. C'est de la pose et quand je lis dans la presse quelqu'un dire " j'ai fait un western cubiste " c'est du n'importe quoi. Où dire que l'écran est masculin. Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Si on commence à parler comme ça d'un film, c'est foutu.

Objectif Cinéma : Je reviens à cette idée du travail et de ce qui se vit devant la caméra. En tant que spectatrice, je me suis sentie immédiatement en prise avec ce qui se vivait dans ce quartier Fontainhas sans être portugaise ni même en rapport avec la drogue. Je pouvais rester encore trois heures de plus à voir et écouter ce qui était du travail de ces vies.

Pedro Costa : Je trouve important ce que vous dites, car, pour moi, c'est ce qui doit s'appliquer à tous les films. On est dans un film, on a fait un travail ensemble, à capter et mettre en scène ou non ; on a senti des choses. Dans ce cas-là, avec une caméra, mais cela peut être avec un stylo, on a monté et après c'est une chose qui se voit pour tout le monde. Ce film long et dense est comme une musique, une forme presque symphonique avec pleins d'informations, de directions multiples, avec un jeune homme au début que l'on voit deux heures après. Et cela peut être difficile à gérer pour un spectateur. Mais il me semble qu'il y a un minimum de temps partagé ; que nous avons vécu ainsi avec Vanda et les autres.

Objectif Cinéma : J'ai rarement vu un si grand film politique et moral avec des moyens extrêmement fragiles que les vôtres, ou alors il faudrait revenir aux films nés de la guerre, ceux où il y avait urgence à inventer d'autres formes pour raconter l'horreur, je pense à Rome Ville Ouverte, entre autres.

Pedro Costa : Je n'arrête pas de penser à cette idée, qui me parait juste en ce qui concerne les films : soit c'est de la poésie soit c'est de la politique. Et moi je veux la politique car on ne peut qu'être politique. Et ce qui importe est de ne surtout pas être dans l'urgence. Il faut supprimer cette notion d'urgence collée au politique car c'est le contraire de l'amour. C'est là que ça commence. La politique, c'est l'amour. L'amour c'est un rapport aux choses qui doit forcément être différent et je filme un arbre ou un mur simplement, si je l'aime ce mur je ferai en sorte d bien le filmer et bien le cadrer. Où alors je suis dans la publicité des sentiments et je ne veux pas ça. Je ne vais pas souvent au cinéma à cause de cela ; de cette peur et de cette angoisse de ne pas comprendre. Je pars ou je ris parfois mais difficilement. Je m'en vais tout de suite et je ne comprends plus rien, je trouve ça bizarre, je me dis que ce n'était pas comme ça avant au cinéma. Je dois être un peu réactionnaire, je ne me sens pas dans le présent, la société a changé, tout est différent. Quand j'étais jeune, je voulais faire des films et changer les choses car le cinéma est un art important. Et les films que j'ai vu me disaient cela. C'était très fort, en sortant de la salle de cinéma, je pouvais courir pendant quatre heures. Un film d'aujourd'hui ne me fait plus cet effet. Je me souviens très bien d'avoir vu Pierrot le fou et de vouloir le vivre avec les copains dans notre vie, le film continuait dans la rue. Une autre leçon de Chaplin : une rue est une rue, les gens sont les gens et quand c'est bien solide à l'écran, ça continue dans la rue quand vous sortez de la salle de cinéma. Il y a le même danger, la même tendresse et la même féerie. C'est un vertige bien précis : l'espace et le temps. C'est très dangereux de traverser une rue et le cinéma américain vous propose un autre espace/temps qui n'existe pas dans le réel. Prenez n'importe quel film américain, même un Scorsese c'est tellement faux que cela en devient dangereux. C'est très simple à expliquer. Si vous regardez l'Aurore de Murnau, regardez bien les rues, quand je dis la rue c'est la vie ; et la violence est là, nue. A oublier cela on le paye très cher. Vanda prouve que l'on peut quand même faire des films avec très peu de moyens et ils sont riches en même temps. Il y a de très belles choses dans ce quartier qui existe toujours.

Objectif Cinéma : Il n'a pas été démoli par la pelleteuse que l'on voit durant tout le film ?

Pedro Costa : Non. Elle est partie un jour sans jamais revenir. Vanda et les autres entendent depuis plus de trois ans des promesses de quartier rénovés avec de jolis bâtiments et des écoles et des commerces et que tout le monde serait heureux de vivre ensemble. Mais on a vu les machines partir un jour. Peut-être n'ont-ils pas décidés si ce serait un supermarché ou une autoroute à la place du quartier. Ils leur faut d'autres réunions aux décideurs, et cela se fait dans des restaurants de luxe, avec des types horribles à moustaches et cigares. Ils doivent discuter encore un peu plus, manger et brûler de l'argent un peu plus. Mais c'est comme ça partout et c'est dommage car il y a de très belles choses humaines dans ce quartier. Il faut être sentimentalement très bien armé pour vivre ainsi : être capable d'un acte d'amour incroyable et tout suite après d'un crime horrible. Il faut savoir quelles en sont les raisons et il suffit d'être là et de comprendre les gens. Il n'y a pas d'extrême, vraiment et c'est la beauté de la vie. Seulement des contradictions énormes où un être humain est capable de commettre des actes terribles dans des lieux sordides mais aussi de vie.

Objectif Cinéma : Le film est plein de récits de vie alors même que l'on est dans un même espace

Pedro Costa : Je ne peux plus faire des films autrement. Cela ne m'intéresse plus toutes ces histoires de casting, de scénario à faire lire à des jeunes femmes et raconter des idioties poétiques. A faire de la pose artistique. Je ne peux plus. Je ne crois pas à la création, mais au travail très long et fait de choses que l'on a vu et ressenti. Un travail artisanal et ça c'est très simple. C'est une vie.

http://www.objectif-cinema.com/interviews/053.php

quinta-feira, 28 de fevereiro de 2008


«Les temps est ma principale exigence »


Entretien avec Pedro Costa

à l’occasion des sorties d’En avant jeunesse et de L’Etat du monde
12 février 2008
Qui connaît les films de Pedro Costa ne s’étonnera guère de trouver en face de soi un individu qui prend son temps : c’est un homme absorbé et pensif, un homme d’écoute et de récit. Fumant cigarette sur cigarette, le cinéaste délivre patiemment, d’une voix grave non dénuée de suavité, les clés d’un travail au long cours, fait de rigueur et d’attention. Il a quelque chose d’intimidant qui nous retient de l’interrompre. Alors on l’écoute raconter, dire parfois des choses qui feront grincer des dents mais qui ne choquent pas dans sa bouche, parce qu’il les dit sans légèreté ni arrogance. Tout est nécessité et authentique noirceur, chez cet homme-là. On aimerait lui poser mille questions, mais le temps passe plus vite qu’on ne voudrait. Tant pis. On attendra le temps qu’il faudra pour y donner suite...

- Rencontrer

Qu’est-ce qui a fait qu’un jour, vous ayez été comme aimanté par Fontaínhas (quartier de Lisbonne aujourd’hui disparu, filmé dans Ossos, Dans la chambre de Vanda et En avant, jeunesse) et que vous en ayez constitué une archive filmique ?

Un jour, je suis entré dans le quartier avec des messages, des lettres, des cadeaux que les gens du Cap-Vert qui nous avaient aidés sur le tournage de Casa de lava m’avaient donnés à l’attention de leurs parents émigrés à Fontaínhas. J’ai fait un peu le facteur... et j’ai découvert un quartier que je ne connaissais pas – ce n’est pas un quartier qu’on va visiter comme ça, pour se balader. Je parlais un peu créole, ce qui fait que j’ai peut-être été plus vite accepté. Et je suis resté parce qu’ils m’y ont invité. Ils m’ont dit : « Venez demain, on fera un dîner ! Venez après-demain, il y a le mariage de mon frère !... » Alors j’ai commencé à y passer des journées, à traîner, boire, parler. Ca m’a beaucoup plu, ces choses que je devinais chez ces capverdiens, quelque chose de très concret et en même temps de très mystérieux : une espèce de tristesse, qui n’était pas loin, sûrement, de la mienne... Je me suis dit : peut-être qu’il y a quelque chose à faire ici, puisque j’y trouve un accord avec ma sensibilité et qu’en plus plastiquement, ça me plaît beaucoup. Mais davantage que les couleurs, les espaces et les sons, il y avait la force un peu désespérée de ce groupe de gens très en marge, très perdus, très misérables et très invisibles. On a trouvé un fait divers pour faire Ossos, et après j’y suis revenu pour faire les autres films.

- Travailler

Dans En avant, jeunesse, le personnage de Ventura dit : « De mon temps, on ne travaillait pas les jours fériés », et dans les interviews que vous avez données sur le film, vous parlez souvent du tournage comme d’un véritable travail, avec le repos le dimanche. C’est important, pour vous, cette notion de travail ?

Oui. Est-ce que nous, on travaillait les jours fériés ou pas ? Je ne sais plus ! (sourire) En tout cas, on tournait de lundi à samedi, on se reposait le dimanche. L’idée que j’avais, c’était de voir si on pourrait tenir un an, deux ans, comme on fait partout : les gens “normaux”, ils travaillent tous les jours, ils vont au bureau, ils vont à l’usine tous les jours. Or je ne voyais pas pourquoi un film devrait se faire sur une petite période, après quoi tout s’arrête, je reviens à ma vie à moi, dans ma maison, je passe mon temps au cinéma, etc. Je voulais faire ce travail très dilaté, un peu comme ça a existé à Hollywood. Jacques Tourneur, il faisait un film en cinq semaines (ou même trois, parce qu’on ne lui laissait pas plus de temps), mais quelques semaines après, il en commençait un autre. Il passait donc son temps à tourner des films. Nous, on n’a fait qu’un film en deux ans, mais avec le même état d’esprit, je pense. C’est-à-dire que c’est un travail qui a à voir avec le quotidien : le cinéma est dans le quotidien, pas extérieur à ça, ce n’est pas un truc de science-fiction qui vient d’ailleurs et qui se met à tourner pendant quatre semaines... Non, c’est quelque chose qui peut être là tous les jours, pour – faute d’autre mot : – documenter, prendre des choses de ce quartier, des choses de ces gens, et sûrement de moi aussi, parce que c’est moi qui le fais, donc...

Ce rapport au travail a beaucoup évolué par rapport à vos films précédents ?

Dans la chambre de Vanda, par exemple, c’était un film fait quasiment par moi tout seul, avec un copain au son, et avec la liberté totale d’un type qui n’a pas d’argent mais pas de problème pour survivre et tourner en même temps, quand il veut et autant qu’il peut. Ca s’est fait avec des cassettes et des soupes ! (sourire) Les gens du quartier me voyaient tous les jours, soleil ou pluie, souffrir avec Vanda. Ca a duré deux ans... Pour En avant, jeunesse, on s’est plus approchés d’un tournage, disons, normal. On avait une petite équipe, on était beaucoup plus que sur Vanda : on était quatre ! le double ! (sourire) Sans compter les acteurs. Donc un tournage plus traditionnel, mais en gardant souplesse et liberté dans notre organisation, c’est-à-dire sans producteur qui impose un rythme de travail. On peut très bien ne pas tourner si je suis malade ou si Vanda [qui figure dans Ossos, Dans la chambre de Vanda et En avant, jeunesse, ndr] ne veut pas. Parce que ça, c’est un risque qu’on court, mais il faut l’accepter : ce ne sont pas des acteurs professionnels. Dans un tournage normal, c’est toujours plus difficile de contourner ce genre de problèmes humains, parce qu’il faut assurer – plus que de travailler, il s’agit d’assurer : c’est ça, le cinéma aujourd’hui. On a quand même essayé d’être très disciplinés parce que je pensais qu’on avait besoin de ça, pour qu’ils comprennent qu’un tournage c’est sérieux, que ce n’est pas un jeu d’enfant, qu’on ne met pas une caméra et ça se fait tout seul, comme ça. C’est éprouvant pour tout le monde. C’est aussi dur, voire chiant, que quand Ventura [l’acteur principal, ndr] travaillait, quand il était maçon ! Bon, il travaillait sûrement beaucoup plus, j’imagine... D’ailleurs, il l’a très bien dit dans les entretiens, quand on lui demandait si ç’avait été difficile : « Etre maçon, c’est difficile ! Faire un film, ça a été compliqué, ça a été dur, mais on a beaucoup aimé ; c’est construire des immeubles, faire des fossés pour les égouts et tout ça qui est difficile ! » En tout cas, il s’agissait de commencer quelque chose qui serait utile pour les prochains films, qu’ils sachent qu’il y a quelques règles, des horaires par exemple. Et pour la première fois, je me sentais travailler et non pas filmer. Sur les autres films, je me sentais « faire des plans », « faire des compositions plastiques », « trouver des idées », « répéter avec les acteurs », tout ça... mais ce n’était pas vraiment du travail, c’étaient des gestes, parfois même un peu cons. Des gestes comme on en a fait des millions de fois sur les tournages, partout. Là, tout le monde avait à voir avec ce film dès le début. Pas comme quand un acteur n’est pas vraiment intéressé ou que le deuxième assistant est là pour gagner un peu de fric. Non, il y avait quatre personnes totalement impliquées, et les acteurs étaient même plus qu’impliqués, puisque, même si je les guidais, c’étaient eux qui créaient le scénario, les dialogues, tout. C’était leur histoire à eux.

Comment on procède au montage quand on a 340 heures de rushes ? Combien de temps ça a pris pour y donner forme ?

Ca a pris presque un an, peut-être moins. J’ai commencé le montage après le tournage, parce que je n’ai pas la tête à tourner et à monter en même temps : il y a des gens qui arrivent à faire ça, pas moi. Evidemment, ces deux ans de tournage offraient des surprises, des scènes que je n’avais pas prévues, des tours et détours qui ont donné quelque chose de totalement différent de ce que je pensais faire au début. Mais si on ne parle pas de la montagne que sont les 340h, qui fait en effet un peu peur, ça a été un montage assez classique. Avec le monteur, on a commencé par tout classer : par personnages, par scènes, par lieux... Faire un tri, plus ou moins. Regarder les rushes. Quand je dis regarder, c’est encore du travail : pendant trois semaines, de neuf heures à sept heures, tous les jours, regarder, ne faire que ça. Là, on commence à voir des choses : ce qui est raté, ce qui ne m’intéresse pas. Après, il faut bien commencer par un bout. Pour ce film, c’était quand même un peu plus simple que pour Vanda puisqu’on avait une ligne directrice – pas une histoire très claire, mais au moins ce parcours de Ventura qui nous guidait un peu au montage. Le principe, c’était : deux, trois, quatre scènes pour chaque “fils” de Ventura, dans un certain ordre. Sauf que ça ne marchait pas du tout comme ça : il y avait des chocs, ça produisait des effets contraires à ce qu’on avait pensé, donc on a commencé à chercher. Il y avait dans notre matière des possibilités que peut-être les autres films n’ont pas. Pour les films qui sont tournés un peu n’importe comment, si on ne croit pas trop au film, si ce sont des films déjà faits avant même de les avoir commencés, peut-être qu’alors le montage est un truc un peu chiant, totalement banal ou totalement aléatoire : des fois, tout va, tout colle, tout se monte. Nous, non : les choses résistent beaucoup les unes aux autres, il y a parfois plusieurs possibilités mais il s’avère souvent qu’il n’y a qu’une solution. Et pour ça il faut attendre, chercher... On est un peu angoissé pendant quelques jours, une semaine : il faut laisser les choses reposer un peu, respirer, pour voir ce qui tient. C’est la condition des films que je fais maintenant, la principale exigence de ma méthode : il faut qu’on travaille dans un temps très dilaté, que ce soit pour le tournage ou pour le montage. C’est très bien parce que le temps est très important dans le film : la jeunesse, la vieillesse, le passé, le présent... Et puis chaque acteur a son temps de réponse, de réaction. Le temps n’est pas le même pour Vanda et pour Ventura, vous voyez. Elle est très speedée, très chaotique, et lui est dans un autre temps, celui, je ne sais pas, d’un fantôme. Or au bout d’un certain nombre de scènes, il faut que ces temps-là soient en accord. Dans une scène, tout d’un coup, Ventura et Vanda sont à égalité, dans le même temps, la même respiration. Ca, je l’obtiens au tournage en respectant le temps des acteurs tout en essayant de ne pas laisser les choses “mourir”, mais on l’obtient aussi au montage, parce qu’on a vu : voilà, c’est là que ça peut arriver, pas avant et pas après. C’est une question de justesse, et personne n’est jamais arrivé à montrer ce que c’était... Un petit peu le film que j’ai fait sur les Straub [Où gît votre sourire enfoui ?, ndr]. Godard, d’une autre façon, dans les Histoires du cinéma. Mais bon, les gens de cinéma savent très bien que c’est là que ça se passe, dans cette salle de montage, en face de la matière. Tout le reste, c’est vraiment des conneries, quand on dit qu’il y a telle ou telle règle... Même Straub et Huillet, qui sont les plus concrets, réalistes et matérialistes des cinéastes sont confrontés parfois à de grands mystères. Parce que c’est humain, parce que parfois ça dépend du fait qu’il y ait du soleil dans la salle ou que ce soit tout noir...

- S’inscrire dans le temps

Les scènes avec le personnage de Lento, tout en se fondant dans le flux du film, donnent l’impression de s’extraire un peu de son espace et de son temps, et de fait vous en avez parlé dans les interviews comme des sortes de flashes-back, de moments où Ventura se retrouve un peu seul face à lui-même...

Disons qu’il y a deux moments dans la structure du film. D’un côté, un présent très concret où Ventura voyage, visite ces garçons et filles du quartier qu’il dit être ses enfants et qui racontent des choses d’aujourd’hui : des problèmes de famille, de maison, d’argent... Donc ça, ce sont des promenades au présent, le présent de la narration mais aussi le présent des acteurs. Et il y a un autre côté du film, qui pour moi appartient plus au passé, même si ce n’est que dans la tête de Ventura... En compagnie de son collègue Lento, il se souvient, il raconte le passé. Et ça se passe dans un lieu totalement à part, à l’écart de leur quartier – de l’ancien comme du nouveau. Je me suis dit que Lento serait une espèce de collègue confident, un compagnon de travail et de solitude issu de la vie de Ventura, de ce qu’il m’a raconté, de ce qu’il a voulu y mettre. Il vivait avec d’autres ouvriers capverdiens dans une baraque où ils avaient un peu peur, où ils avaient froid, où ils se parlaient très peu, où ils se reposaient parce qu’ils étaient morts de fatigue après les journées de travail. Et pour moi, ça avait un côté un peu prison, une prison à eux... Là, on pourrait employer des mots un peu oubliés : ouvriers, prolétariat. Il y a un livre du philosophe Jacques Rancière qui s’appelle La Nuit des ouvriers. Voilà, cette partie du film, c’est un peu ça : la nuit des ouvriers, la nuit des maçons, une nuit où ils boivent, où ils dorment, où ils sont dans le noir parce qu’il n’y a pas d’électricité, où ils écoutent un peu de musique sur un petit tourne-disque. Et on a pensé qu’ils se répéteraient quelque chose, tout le temps. Au début, Lento demande à Ventura d’écrire une lettre pour sa femme, parce qu’il ne sait pas écrire. Ca a réellement été la fonction de Ventura dans le quartier, parce qu’il était plus cultivé, qu’il savait lire, écrire et qu’il avait une « bonne tête », comme il dit. Donc il écrivait des lettres d’amour, des lettres pour envoyer de l’argent... Bref, puisque c’est une prison, j’ai regardé des films de prison des années 40-50 : qu’est-ce qu’ils font ? Ils font toujours la même chose. Par exemple, ils écrivent les jours qui se suivent sur les murs, avec des traits. On n’a pas fait ça, mais on a trouvé un équivalent avec cette petite... chanson, presque. Ventura se mémorise ça tous les jours, juste pour ne pas oublier. En quelque sorte, ils sont des prisonniers et en même temps des gardiens de leur prison.

Cette lettre, elle était déjà dans Casa de lava. D’où vient-elle ? Et pourquoi avez-vous décidé de la réutiliser dans En avant, jeunesse ?

Le cœur de la lettre, ce sont des phrases d’une lettre de Robert Desnos que j’aimais beaucoup et que j’avais mises dans Casa de lava comme si c’était la lettre d’un ouvrier capverdien à sa femme. Là, puisqu’on tournait autour de la même chose, je me suis dit : pourquoi ne pas revenir à cette lettre et la jouer d’une autre façon ? En fait, dans ce film, il y a des morceaux de Desnos et des morceaux de Ventura lui-même, de ces fameuses lettres qu’il écrivait pour tout le monde et qu’il a encore aujourd’hui dans sa tête, puisque les formules en étaient très simples. Cette lettre est donc d’abord pour Lento, ensuite pour Ventura, puis pour personne, et ça devient presque autre chose qu’une lettre d’amour. Ca devient une preuve de fidélité ; l’histoire de sa vie ; un manifeste politique ou moral ; juste une petite comptine pour ne pas oublier. Et... il y a un peu de provocation, mais si les gens savent que Desnos a écrit cette lettre à sa femme dans un camp de concentration nazi, juste avant de mourir... ça dit un peu qu’une lettre envoyée d’un camp nazi ou d’une baraque à Fontaínhas ou, je ne sais pas, en Inde ou au Brésil, au fond ça n’a vraiment pas de différence... Le désespoir est le même, les causes sont presque les mêmes, ce sont les causes de cet « état du monde ». Bien sûr, pour Desnos, c’est très violent, mais je ne sais pas si Ventura n’a pas été aussi détruit et massacré qu’un prisonnier à Auschwitz. Ce que ces gens-là ont en commun, aussi, c’est de “ne pas avoir de stylo”, que ce soit à cause des Nazis ou à cause de la société. Ca veut dire qu’ils ne feront jamais de poésie, qu’ils n’écriront jamais de musique. C’est dans ce sens-là que je dis qu’ils n’ont pas de stylos. Ces gens ont été privés de beaucoup de choses – d’argent, de bonheur, de tout, quoi. Et de stylos. Ou de caméras, par exemple, pour faire des films.

L’expression « En avant, jeunesse ! » était aussi dans le dialogue de Casa de lava. D’où vient-elle ? N’avez-vous pas eu peur de l’ironie de ce titre ?

En avant, jeunesse, c’est une traduction pas très fidèle – comme toutes les traductions, mais enfin c’est celle que je préfère – de « Juventude, em marcha ! », un slogan qui était destiné aux jeunes militants du Parti de la Libération du Cap Vert dans les années 60-70. C’est une de ces phrases qu’on disait au début de la Révolution soviétique et qu’on doit dire aujourd’hui encore à Cuba. Un de ces cris un peu positifs et gais disant : « Ca va marcher ! avec les jeunes du Parti, une force va marcher vers le futur... » Au Cap-Vert, les gens ont gardé ça comme quelque chose de très quotidien. Dans Casa de lava, je m’en suis servi dans une scène où les femmes dansent. Elles disent ça comme elles pourraient dire : « Demain sera un beau jour ! », ou « Tout va bien ! ». La traduction que j’ai choisie pour le titre anglais a très peu à voir avec ça, prend un détour différent : Colossal Youth, “Jeunesse colossale”. Ca me plaisait parce qu’il y a le mot “colossal”, qui pour moi a tout à voir avec le travail qu’on a fait (sourire). Et puis ça rend compte de ce qu’il y a de grand, de monumental, dans Ventura, dans certaines choses. Je ne sais pas si c’est ironique. Pour moi, ça s’est révélé ironique, malheureusement, parce que tout ce que les jeunes disent dans le film est beaucoup plus noir, problématique ou même désespéré que je ne l’avais prévu. Ca vient d’eux, ce malheur, cette crispation, cet état d’abandon qu’on sent dans tous les personnages – les jeunes, surtout. Ca a été un peu une surprise, pour moi. Certains, même, ont vraiment foncé dans ce malheur : c’est le cas du personnage qu’on voit à l’hôpital et qui parle très violemment de sa mère. C’est une scène qu’il voulait absolument placer dans le film. Donc voilà, aujourd’hui le titre est beaucoup plus ironique qu’il ne l’était avant. Mais pour moi, ça a toujours eu à voir avec la jeunesse que figure d’une certaine manière la mémorisation de la lettre : cette marche qu’on fait dans sa tête. Je pense qu’on sent dans le film cet état de marche permanent – mais dans la tête, puisque ce sont des personnages immobiles et passifs, assis ou allongés sur des lits, un peu défaillants ou fatigués. La jeunesse, pour moi, c’est une marche en arrière. Je ne parle pas du souvenir de sa propre jeunesse mais de la jeunesse qu’est la pensée. La pensée est toujours une jeunesse, un projet, un espoir. Ca fait un peu mauvaise métaphore, mais pour moi, ça a un sens. Des jeunes gens peuvent paraître très vieux et Ventura, qui est plus agé, est parfois très gamin. C’est pareil pour tous les personnages : par moments, ce sont des enfants... Voilà ce qui me plaît dans le film : il n’y a pas vraiment de différence d’âges. C’est un film qui dit ça, aussi : il n’y a pas d’adultes, d’enfants. C’est pour ça que, dans la dernière scène, la fille de Vanda (qui a deux ans) et Ventura sont à égalité et se parlent sans parler. Ils peuvent se parler parce que l’enfant ne sait pas parler : elle émet des sons, et Ventura aussi. Je ne sais plus qui disait ça [il s’agit de Jacques Rancière, ndr], mais c’était assez beau, et je suis d’accord : on ne sait pas vraiment si c’est Ventura qui garde l’enfant ou si c’est l’enfant qui garde Ventura.

- Filmer

D’un point de vue stylistique, vous êtes passé dans votre cinéma de visages filmés en longues focales dans Casa de lava et Ossos à des corps filmés en très grand angle dans En avant, jeunesse...

Oui, je ne sais pas si je ne ferai pas d’autres films avec d’autres focales. C’est déjà une question de moyens. En avant, jeunesse est filmé en vidéo [à la différence de Casa de lava et d’Ossos, ndr]. Or il y a certaines choses, selon moi, auxquelles la vidéo ne rend pas justice : les paysages, les extérieurs riches, les forêts, les montagnes... Elle n’est pas faite pour ça, je pense. Même pas ce qu’ils appellent HD, qui est encore pire. Pour moi, ça n’a pas la même valeur, la même richesse qu’en 35mm : inutile de faire des théories là-dessus. Si on filme des paysages – et pour moi, un gros plan sur un visage, c’est pas nouveau, c’est aussi un paysage –, il faut faire très attention à tout : la définition, la déformation, les couleurs... C’est mieux en 35mm. Les rares gros plans en vidéo qu’on a dans Vanda sont là parce qu’ils doivent être là, pour des raisons qui ont à voir avec ce film en particulier. En avant, jeunesse traite beaucoup plus de l’espace – des espaces que les gens occupent. C’est pour cela qu’il fallait montrer l’espace, voir les gens passer d’une chambre à l’autre, ouvrir les portes. Par ailleurs, l’espace provoque une autre chose : le temps. Et inversement.

Vous faites partie de ces cinéastes qui ne tourneront plus qu’en DV, ou vous n’êtes pas décidé là-dessus et reviendrez peut-être à la pellicule ? Voire aux acteurs professionnels ?

Je pense que ça serait plus simple pour moi de faire un film en pellicule 35, 16, ou même super 8, que de travailler avec des acteurs professionnels... J’ai besoin de travailler longtemps, de répéter et de tourner pendant des mois, etc. J’aimerais bien, pourquoi pas, mélanger des acteurs à des gens du quartier. Ce n’est pas que je n’aime pas les acteurs, c’est juste qu’ils n’ont pas le temps, qu’ils ne voient pas la raison de ce genre de travail, donc je vois mal comment je pourrais... Et il y a aussi l’argent, bien sûr, parce que payer un acteur à un tarif d’acteur pendant un an, pour moi, c’est impossible. Comme pour les techniciens. Pour la pellicule, oui, pourquoi pas, on peut très bien faire un film à trois en 35 – c’est un peu lourd pour certaines choses, mais on peut le faire. Si j’utilise la vidéo, ce n’est même pas pour une question d’image, puisqu’elle est moins riche que la pellicule. C’est surtout que ce genre d’outils va bien avec ce que je fais, avec la production que j’ai : il y a une correspondance des moyens et des formes, un équilibre qui fait que ça marche bien en vidéo. Il faut juste tenir compte de ses limites.

- Continuer

Pour Tarrafal, qui fait partie d’un film collectif, L’Etat du monde, qu’est-ce qui vous a été demandé par les commanditaires ? Est-ce que c’est un film que vous auriez fait de toute façon, ou vous avez répondu à une commande ?

J’ai reçu un appel du producteur qui m’a expliqué qu’il produisait un film collectif, avec six réalisateurs, financé par la Fondation Gulbenkian, un musée à Lisbonne. C’est marrant, parce que j’avais tourné une scène dans le musée Gulbenkian dans En avant, jeunesse, et le hasard a fait que tout de suite après, il me demande ça. J’ai dit oui parce que de toute façon je comptais faire un autre film avec les habitants du quartier. Peut-être que ça n’aurait pas été celui-là, parce que celui-là, il y avait des contraintes, c’était une commande bien précise : 15 minutes. Il devait se tourner en vidéo, aussi – bon, pour moi, ça, ce n’était pas compliqué. Après il m’a dit que le film s’appelait L’Etat du monde, qu’il faisait partie d’un projet d’exposition, de musique, de théâtre, dans le cadre d’une année de “productions artistiques” et de débats sur l’“état du monde”. Et il m’a dit : « Voilà, je vous ai expliqué le titre, maintenant vous pouvez en faire tout ce que vous voulez. » J’imagine quand même qu’ils m’ont appelé moi parce qu’ils savaient exactement ce que ça allait donner, mon état du monde : on sait plus ou moins ce qu’on peut attendre, c’est chiant mais c’est comme ça ! (sourire) Donc j’ai proposé aux gens du quartier qui étaient avec moi à ce moment-là, Ventura, trois-quatre personnes : « J’ai cette commande, il faut faire un film assez vite, en deux mois. » Pendant une semaine, on a un peu traîné, comme toujours, on a parlé, passé en revue toutes sortes d’hypothèses. Et un jour, on a croisé au bar un des garçons qui nous avaient aidés sur Vanda et En avant, jeunesse, complètement paniqué : il avait reçu une lettre de déportation [d’expulsion, ndr] du Ministère des Affaires étrangères. Et donc commençait ce procès de déportation. Il avait un mois pour répondre, se présenter, je ne sais quoi. Et ce qui est marrant – dramatique, bien sûr, mais marrant –, c’est que c’est un petit caïd du quartier, un petit dealer, et là il était paniqué comme un bébé ! Donc ça a commencé comme ça, on s’est dit : pourquoi ne pas faire 15 minutes autour de cette lettre ? Comme c’était une lettre, ça faisait un peu une correspondance avec l’autre film. Alors il a proposé un truc qui n’était pas mauvais, l’idée d’une espèce d’adieu au quartier, à sa mère, à ses amis, comme si c’était sa dernière journée avant son départ. J’ai dit : oui, mais en 15 minutes ça va être compliqué, c’est une belle idée pour un long. Mais c’est comme ça que ça a démarré. On a commencé avec une scène où il parle avec sa mère d’un hypothétique retour au Cap-Vert.

Les scènes qui suivent sont assez différentes.

Oui, après on a tourné ces scènes un peu “poétiques”, une espèce de fable qui se passe hors du quartier et qui n’est déjà même plus sur Terre... La lettre, elle a presque un côté film d’horreur, parce que c’est une lettre qui vient du diable. J’ai pensé à un film de Tourneur, Night of the Demon [Rendez-vous avec la peur, aussi appelé Curse of the Demon, ndr], qui est un peu une histoire comme ça : c’est un petit papier, un message que le diable te passe un jour dans le métro, et tu dois forcément le passer à quelqu’un d’autre, sinon tu meurs. Et ce qui est marrant, c’est que cette histoire, c’est exactement la même qu’une histoire du Cap Vert, du Brésil, du Portugal : ça fait partie du folklore, des mythes et légendes des différents pays lusophones. Et ça me paraissait assez joli que ce soit une lettre du démon qui vienne expulser ces gens pour toujours... L’autre raison pour laquelle ça ne se passe nulle part, c’est qu’ils ne veulent pas être dans le nouveau quartier. Ca, j’ai senti que ça allait être un problème, une question à traiter dans les films que je ferais avec eux après : ils ne sont pas à l’aise dans ce quartier, comme on le voit déjà dans En avant, jeunesse. Ils ne savent pas l’habiter, ils ne savent pas y vivre. Tourner dans ce quartier, c’est chiant. Pour moi, pour eux. Donc on l’a fait ailleurs : on a traversé l’autoroute, on a trouvé un coin entre quatre arbres et un rocher et là, on a fait une sorte de petit théâtre. Peut-être que je me trompe, mais je crois que ça annonce clairement qu’ils sont déjà en enfer, ou au ciel, ou dans un lieu qui n’est nulle part... Du coup, quand ils jouent, racontent, se déplacent, quand ils font des gestes dans ce décor, ils s’approchent d’autre chose, quelque chose de complètement différent. Peut-être que les films qu’on va faire désormais seront moins réalistes, ou réalistes d’une autre façon, mais c’est sûr qu’on perd un peu de réel, de social. Les maisons seront peut-être moins figurées, parce qu’ils les ont perdues, comme leurs bars, leurs ruelles. Peut-être qu’ils vont les retrouver d’une autre façon, qu’ils vont aménager leur nouveau quartier, mais pour l’instant, ces bâtiments blancs, comme ce ne sont pas eux qui les ont construits, ils n’y sont pas à l’aise.

Entretien réalisé à Paris le 16 janvier 2008 par Raphaël Lefèvre
Merci à Viviana Andriani

http://www.critikat.com

terça-feira, 26 de fevereiro de 2008

plano 1

Onde Jaz o teu Sorriso? (Où gît votre sourire enfoui?) 2001

«A Arte e a vida são a mesma coisa»

cineasta, no quarto dos Straubs

texto de Paulo Portugal

O local não poderia ser o mais adequado. Foi na renovada e belíssima Cinemateca Portuguesa que nos encontramos com Pedro Costa, um dos mais talentosos cineastas nacionais, para nos falar de “Où gît votre sourire enfoui?” mas o realizador acabou por ir mais longe e descrever, de uma forma crua e directa, a sua visão sobre o actual panorama cinematográfico nacional. Tal como nos seus filmes, sem tabus, nem concessões.


Primeiras Imagens: Como é que vai ser exactamente a vida deste filme?

Pedro Costa: A vida deste filme cá em Portugal vão ser estas pequenas apresentações na Cinemateca, porque é nova; depois entra em estreia dia 17, no S Jorge, sem prazo de saída. Estreia em Coimbra, mas apenas alguns dias, depois de 2 a 9 de Fevereiro, passa no Rivolli no Porto. No fundo, três salas camarárias.

PI: E em França?

P.C: O filme estreia numa muito boa sala, em que vai ficar muito tempo.

P.I: Qual é?

P.C: A Saint André des Arts, que é muito boa e prestigiada. O filme vai passar em Paris, Marselha, Estrasburgo, com sete cópias, para já. Depois vai passar também pela Alemanha, o Japão, onde parece que tenho publico muito fiel; na América, no circuito universitário…

P.I: Este projecto começou como uma encomenda. Como é que se desenvolveu e chegou ao que vemos no ecrã? É que não pareces nada o tipo de realizador que aceita encomendas…

P.C: Não penses isso. Não é por não aceitar, a verdade é que não me propõe nada. Pelo menos em Portugal. Não é que tenha encomendas de lá de fora a torto e a direito, mas em Portugal não há ninguém que me proponha fazer nada. Porque também não conhecem os meus filmes. Eu tenho um público muito pequeno, mas também muito fiel, isso é verdade. Depois as pessoas já sabem o que a casa gasta…calculo que não esperem ter um documentário sobre o Rio Douro, Timor Lorosae, etc. que é o que se faz um bocado em Portugal.

P.I: E neste filme, como foi que tudo se passou? Qual foi o primeiro contacto?

P.C: Eu estava um belo dia a montar “O Quarto da Vanda”, já numa fase complicada da montagem, que foi dura, e uma pessoa que eu não conhecia telefonou-me - um ex-jornalista do Cahiers - e disse-me que conhecia os meus filmes, e queria propor-me um filme documental para a série “Cinéma de Notre Temps”, que é uma série prestigiada em França sobre realizadores, para o Canal Arte. Eu disse mais ou menos que sim.

P.I: Mas sabias que era sobre os Straubs…

P.C: Sim, sabia. Falei com os directores da série e o projecto veio para a frente. Depois foi só ter o acordo do Straub e da Danièle para fazer o filme.

P.I: Eles concordaram logo com a ideia?

P.C: Demorou um pouco, porque eles não gostam de ser filmados, não gostam de dar entrevistas sem ter confiança na pessoa, etc. Eles conheciam um filme meu, que era “O Sangue”, e de que gostavam relativamente, embora o achassem muito negro e desesperado. Eu tive que aproximar-me mais deles para lhes propor este projecto.

P.I: A verdade é que quando se vê o filme não parece existir aquela barreira da câmara. Parece haver alguma espontaneidade da parte deles. Houve alguma preparação?

P.C: O que houve foi eu dizer ao Jean-Marie e à Danièle o que era o filme e que seria eu a fazê-lo. Da primeira vez, disseram que não queriam deixar marcas, não queriam ser “estátuas”. É preciso dizer que eles são, quanto a mim, as únicas pessoas no mundo, ou talvez mesmo na arte, que têm uma noção muito radical do que é a arte e a vida – que são a mesma coisa. Eles não separam os planos, nem inteligência, nem arte, nem vida. Para eles, não fazem sentidas as capas de revistas, a obra-prima. Eles fazem o seu trabalho, tentam fazê-lo bem e são discretos. Havia essa resistência; a segunda, era como é que eu ia trabalhar, porque eu ainda não tinha pensado bem nisso. E eles avisaram-me que não iriam mostrar quaisquer truques de magia, era apenas trabalho. Como sabia que eles iam montar a terceira versão do “Sicílial”, pensei propor-lhes que eu filmasse a montagem, mas o Jean-Marie disse-me que isso era impossível. Então, eu disse: ‘Posso tentar’. Um bocado teimosamente, apareci lá no primeiro dia da montagem.

P.I: O formato usado foi o vídeo digital, não foi?

P.C: Sim, o vídeo DV. No fundo, a câmara com que eu filmei “O Quarto da Vanda”.

P.I: De certa forma, “Onde Jaz o teu Sorriso?” é uma espécie de prolongamento de “O Quarto da Vanda”. Pelo menos, no que diz respeito à escolha dos espaços e da própria geometria...

P.C: Há certas similitudes, como a de ser um espaço fechado. Num é um quarto, mas é também um bairro. Mas são igualmente espaços fechados, sombrios onde as pessoas estão a fazer qualquer coisa.

P.I: Onde é que os Straubs estavam a montar?

P.C: Estavam a montar numa escola de arte no norte de França. A história deles é que há tão pouco dinheiro para fazer filmes, que eles trocavam o espaço e o uso das montadoras por aulas de montagem aos alunos. O outro filme que eles fizeram a seguir, “Operários e Camponeses” foi a mesma coisa.

P.I: Como cineasta, o que foi que quiseste roubar a esse momento de trabalho de montagem?

P.C: Eu não quis roubar nada. O propósito foi fazer um filme sobre os dois cineastas que eu considero mais interessantes e mais sensuais e mais inteligentes e mais selvagens e mais modernos e mais jovens, durante o momento em que eles estão a acabar um filme novo. Filmar, se possível, o que se passa no momento da decisão ou de algumas decisões – porque fazer filme é tomar decisões, fazer escolhas. E na montagem isso vê-se. Eu considero o filme quase como uma grande lição de cinema. De facto, nunca se foi tão longe em explicar essas escolhas, essas tomadas de decisão na escolha de um ou outro fotograma para montar ou cortar. A ideia era ambiciosa, mas a ideia era que, pela primeira vez, se mostrasse um bocadinho mais do que os filmes que mostram a entrevista com o realizador que explica como fez o filme. Esse dispositivo não me interessava nada.

P.I: Quase como uma espécie de extra para incluir nos DVD’s...

P.C: Pois, o sistema da série é feita de filmes desse género. São todos desse género. Medíocres, aliás. Quis encontrar outra coisa e sobretudo corresponder a este desafio de mostrar o que se passa na montagem de um filme. Que género de vida é passar um mês ou dois numa sala de montagem. Se há desespero, se há sofrimento, se há...

P.I: …e esse sentimento é algo de que tu partilhas?

P.C: Isso é o que se passa em todas as salas de montagem. Eu ia a dizer sérias, mas é um sítio onde se trabalha. Se fores a Hollywood, a França, Espanha, ou mesmo em Portugal, em alguns círculos em que as decisões são um bocado à toa, mas são à toa porque a coisa vem de trás. Não há nada que tu possas montar ou salvar se já estiver morto. Eu acho que é sempre assim. O que eu vivo nas minhas salas de montagem é sempre assim, o que alguns colegas meus vivem é assim. São coisas graves, às vezes de vida ou de morte. E influem, por vezes, na vida mais íntima. E era isso que eu queria testar com o suplemento, que é uma pequena prenda, porque eles são dois e são marido e mulher. Que se complementam bastante em termos de trabalho. Se calhar, separados, não funcionavam.
É um daqueles casos em que o amor e o trabalho não têm separação. Eles amam-se porque trabalham juntos e trabalham juntos porque se amam. O fruto desse amor e desse trabalho são os filmes magníficos que eles fazem. Neste caso, foi uma espécie de benesse que eu tive, porque se fosse só um cineasta poderia pender mais para o sofrimento ou para a excitação. Se filmasse o Scorsese a montar suponho que seria quase uma espécie de TGV, um bocado cego e surdo. Ali houve um bocado de tudo, embora os Straubs não sejam pessoas de desesperar. Vão abaixo, mas reagem constantemente para tudo.

P.I: Falaste agora no Scorsese, mas haveria algum outro realizador de que gostasses particularmente de observar?

P.C: Para fazer um filme, não. Só gostava do Straub, sinceramente. Agora eu acho que existem outros cineastas que devem ser interessantes no momento da montagem. Na rodagem não me interessa particularmente. O outro único talvez fosse o Godard.

P.I: O Straubs ficaram contentes com o resultado?

P.C: Sim. Suponho que não seja um filme deles, porque será sempre um filme pensado e realizado por mim, mas sei que não houve traição e sei que é, sem desmérito e sem vaidade, uma coisa que não existia - ou seja, um filme sobre a montagem. E espero que sirva para qualquer coisa. Não fui eu que inventei aquilo, eu inventei a forma, mas o que lá está dentro pertence a toda a gente. E pode ser utilizado, como tu dizias, como uma lição de montagem. O filme partiu desse convite, é um filme sobre a montagem. Agora ele está pronto e, enfim, está agora a ser visto aqui na Cinemateca, e vai ser visto em França.

P.I: Sei que tiveste alguns problemas no domínio da distribuição e exibição. Ou seja, este filme não vai ter a distribuição que seria desejada...

P.C: Quer dizer, por um lado, este filme não tem infelizmente o pó-de-arroz que faz a ficção. Mas infelizmente também porque se poderiam surpreender com o tipo de sensações diferentes que este filme proporciona, mesmo sem obedecer aos critérios das grandes produções ou mesmo das produções independentes. Não é só o caso deste filme em particular. Acho que já tem sucedido e que vai voltar a suceder e a suceder muito mais – estou a falar em Portugal --, que faz com que muitos filmes não possam ser vistos, ou não possam ser vistos convenientemente. Não podem passar nas salas — vou dizer os nomes – da Lusomundo, da Castello Lopes, dos conglomerados um bocadinho privados que há para aí. Mas nem o meu nem o filme do Paulo Rocha, nem muitas primeiras obras, se for de um determinado género. Também não pode passar no circuito do Paulo Branco, por exemplo...

P.I: Aí é que eu pensei que pudesse passar...

P.C: Não, ele é um distribuidor muito preguiçoso. Mas não o quero atacar muito...

P.I: Isso quer dizer que já não é um exibidor muito alternativo?

P.C: Não, não é. Hoje em dia seria muito difícil ver um filme do Straub ou muitos filmes portugueses que não são produzidos por ele. Se ele não tiver um interesse, um interesse puramente comercial pelas coisas, dificilmente esses filmes vão ser exibidos. Mas não quero que isto passe por uma afirmação definitiva, final, sobre as escolhas ou políticas da Atalanta. Mas parece-me que neste momento é uma das distribuidoras que se rege por esses critérios. Talvez mais até do que a Lusomundo, que é um mero escravo dos grandes estúdios. Eles não compreendem nada do que é o cinema e a vida. São uns paus mandados. Depois há os outros sucedâneos, como os das Twin Towers e dos Cortes Ingleses, e coisas do género. Andam todos a apanhar bonés. Não sabem o que é o cinema, não têm gosto por ele. E isto é grave, porque, como toda a gente sabe, desde o princípio o cinema era feito porque se gostava dele para que se gostasse dele, como dizia o Fritz Lang: “era uma arte do povo, para o povo, pelo o povo”. E era assim que deveria continuara ser. O dinheiro estragou tudo. Não foi a América nem o cinema americano, foi o dinheiro. E pronto. Essa distribuidora que, em tempos, foi alternativa, porque não havia mais nada, acho que neste momento tem motivos muito objectivos muito próximos dos outros.

P.I: No entanto, exibiram os teus filmes todos...

P.C: Sim, isso foi. “O Sangue” porque acharam que o filme merecia; os outros porque na altura eu era produzido pela companhia irmã, portanto não podia deixar de ser; “O Quarto da Vanda” voltou a ser uma espécie de esmola, sem tirar nem pôr. Foi produzido um bocadinho “in extremis”, mas foi uma esmola. E este já não interessa.

P.I: Resta a Cinemateca quase como aquela sala onde o cinema não tem critérios comerciais?...

P.C: Sim, a Cinemateca tem sido fiel para gente como eu, os Straubs e outros... Por exemplo, os novos — e falo dos novos como a juventude mais ou menos em marcha que existe por cá e um pouco por todo o lado – espero que um dia destes um tipo que faça um filme diferente, mais ousado, arrojado, seja como for, em vídeo, super 8, 35mm ou não sei quê, não tenha os problemas que nós começamos a sentir. Ou seja, que não seja votado a três exibições na Cinemateca, porque não se merece. Se a pessoa faz esse filme é porque o fez com alma e coração, trabalhou como um cão, andou a vender os CD’s e os livros para comprar película ou uma câmara. Roubou ao pai e à mãe, etc. Porque não pode deixar de fazer aquilo e de o mostrar. Ora, cortar isso é fascismo. Não há outra palavra.

P.I: Onde é que entra aqui o papel do teu produtor o Francisco Villa-Lobos?

P.C: Não sei, isso tens de lhe perguntar a ele... Este é o segundo filme que fazemos juntos, espero que não seja o último. Mas é outra atitude. Pode ser que ele mude, mas isso tens de lhe perguntar. Pode crescer demasiado, ou não sei quê... É uma tentativa, não só para mim, para ele, como para diversificar um bocadinho. Porque senão isto vai ficar um cancro, um abcesso, e depois explode. Muitos produtores não escolhem, fazem tudo, porque o cinema em Portugal é financiado a pelo Estado a fundo perdido, por isso atiram-se a tudo... Enfim, é meritório. E os outros estão sempre com a tentação do monopólio ou da grande produção, género “A Selva”...

P.I: “A Selva”?...

P.C: Sim, “A Selva” é uma coisa sem pés nem cabeça. Artisticamente e esteticamente...

P.I: Mas é a maior produção de sempre do cinema português...

P.C: Essa é a maior produção, mas há os casos dos filmes do Quim Leitão e outros. No fundo, exemplos que aparecem, de três em três anos... Mas as pessoas nunca falam de coisas que deveriam falar, no caso desses filmes. Eu não queria generalizar, mas concentro-me só n”A Selva”, que é: a coisa começa por ser mal pensada. Pensada de forma organizativa. Não há hipótese de recuperar dinheiro ali, basta faz contas de cabeça. Toda a gente vai perder dinheiro...

P.I: mesmo com o mercado brasileiro?

P.C: Mas qual mercado brasileiro? O que eu sei desse filme, que é pouco, mas que chega para quem está no meio é que o produtor brasileiro pagou em dinheiro ou em géneros, uma parte daquele filme. Por isso, quando o estreia no Brasil, o dinheiro vai para o co-produtor brasileiro. É o que qualquer co- produtor fará. O dinheiro não vem para cá. Tudo o que ele perdeu, o produtor português, o espanhol, já perdeu, e sei que perdeu muito. Agora ninguém fala do que perdeu o realizador. O realizador perdeu o que não tinha, de facto. Porque é um filme que não existe. Não há nada a mexer. Não há uma folha de árvore a mexer, não há uma pessoa que se tenha de pé. Como diz o Jean-Marie no meu filme, “tem de haver uma ideia, que vai ao encontro de uma matéria que tem de ser recolhida com amor, para que daí, desse combate, haja uma forma”. No caso desses filmes não existe ideia, normalmente, ou f muito escassa, ou é uma simples adaptação literária, ou o trigésimo milésimo filme policial a David Lynch, ou a la Almodôvar... Só que desses há cem mil na Europa por ano. Provavelmente, com mais meios, com artistas um bocadinho mais conhecidos, com mulheres um bocadinho mais boas, etc.

P.I: Nesta altura, depois de fazer “O Quarto da Vanda” e “Onde Jaz o Teu Sorriso?”, e depois de todas estas conjunturas, como é, tens mais vontade de filmar?...

P.C: A crise não me afecta. Afecta-me apenas no sentido de que afecta toda a gente. Acho que é chato, porque se os realizadores e produtores mais novos, o pessoal menor, perder as rédeas, isso é muito grave. O cinema em Portugal é financiado. O dinheiro vem de uma taxa de publicidade que se vai buscar às televisões privadas. Não é vergonha nenhuma, eles é que deviam ter vergonha de não pagar. Não é dos impostos, é preciso que se diga. É preciso que a tua revista diga isso todos os dias. O dinheiro sai do bolso do Sr. Balsemão e a ideia é roubá-lo até ao tutano. E aos gajos da Sonae... É dai que vem o dinheiro para a gente fazer alguma coisa. E é muito grave se os produtores e realizadores só quiserem fazer dinheiro com um filme.

P.I: Como assim?

P.C: Há muita desinformação, falta de cultura, eles já vêm cada vez menos coisas. Hoje em dia, vêm um filme do Lynch e suspeitam logo que é filosofia pura, cinema puro, é a ideologia, a arte. Digo isto assim sem preconceito. Não é que odeie o homem. É chamada a metafísica de algibeira. Como não passam pela filosofia verdadeira, ou seja, Aristóteles, Platão, Nietzsche, essas coisas. Nem pelo romance: o Camilo, Balzac, Faulkner, etc. Lêem o Pedro Paixão, por exemplo. Ler o Pedro Paixão e ver David Lynch é o mais baixo a que um homem pode chegar, hoje em dia. E tirá-los daí? Não sei como é que se faz...

P.I: Há soluções?

P.C: Eu faço este filme. As pessoas mais jovens não vêem à Cinemateca; se estão na escola de cinema aprendam a expor filme, a fazer uns sons, mas também não se interessam muito. São uma série de factores que estão a concorrer para que o fim esteja próximo.

P.I: E no teu caso, qual é o futuro?

P.C: Eu continuo a filmar. Eu fiz “O Quarto da Vanda” sem dinheiro. Fiz em vídeo, com a minha câmara, com cassetes. Qualquer pessoa pode fazer isso. Sem dinheiro...

P.I: Mas isso não é uma utopia?

P.C: Não, não. A utopia está lá no ecrã. “O Quarto da Vanda” era uma coisa que tinha de ser feita. O filme foi feito com um subsídio do ICAM de dez mil contos e dois mil da RTP. O filme tem exibição comercial em muitos países, muitas televisões. É um filme relativamente visto. No meu caso, posso dizer que sou um cineasta comercial... Mas este filme foi ao concurso do ICAM e foi chumbado três vezes. O cinema não é tão caro como certas pessoas querem parecer. A ideia é racionalizar, não inflacionar, etc. A maior mentira é dizer que o cinema é tão caro que se começa a tornar impossível filmar. O problema é que se vive na inflação. Quanto mais altos forem os salários dos actores e dos técnicos, mais segurança se tem para o próximo. Como tudo vem a fundo perdido, está toda a gente a contar com o próximo, que pague este ou aquele. O círculo é infernal. Por aí, devia ser mudada alguma coisa com essa lei que aí vem. Mas não vai ser. Vai ser exponenciado para outro lado. Para entregar o bolo aos produtores, mas aos maiores. Os pequenos vão sofrer, o documentário vai sofrer, os primeiros filmes vão sofrer.

Fevereiro, 2003

quinta-feira, 21 de fevereiro de 2008

Car ce cinema- là reste à inventer.

En avant , jeunesse de Pedro Costa

Pás de géant

Par CYRIL NEYRAT

La langue anglaise a un mot pour nommer les oeuvres de l’ importance d’ En avant, jeunesse : milestone. Le français dirait faiblement «borne, jalon». Un monument, du haut duquel la vue se dégage sur le chemin parcouru et sur celui qui s’ouvre. En avant, juunesse est de ces rares films qui donnent la mesure de ce que peut le cinéma, à un moment donné de son histoire esthétique et de son évolution technique. Comprendre cette mesure nécessite d’ en prendre une autre : celle du pas de géant fait par Pedro Costa sur son propre chemin. On peut attribuer à deux événements la seconde naissance de Costa cinéaste. Le premier, c’est la découverte, au retour de tournage de son deuxième long métrage, Casa de lava, du quartier de Fontainhas, bidonville de Lisbonne où cohabitent un sous-prolétariat autochtone et une population issue de l’ immigration cap-verdienne. Le second, c’est la décision, pendant le tournage à Fontainhas d’ Ossos, le film suivant, de couper les projecteurs, de congédier une machine cinéma qui n’ y avait pas sa place: il tournera seul et en DV Dans la chambre de Vanda comme s’ il réinventait le cinema. En avant, jeunesse clôt provisoirerement deux séries, sélon que l’ on choisisse l’ une ou l’ autre origine : la trilogie de Fontainhas, aprés Ossos et Dans la chambre de Vanda, et celle des films eu DV, inaugurée par Vanda et poursuivie par Où Gît Votre Sourire Enfoui?, son documentaire sur Straub et Huillet au montage. Le pas de géant d’En avant, jeunesse n’est pas le même selon que l’ on considère qu` il fait suite à Dans la chambre de Vanda ou à Où gît

La différence n` est pás tant celle du documentaire et de la fiction – Costa a depuis Vanda sauté au-delà de ce partage – qu` un changement de regard, de position du cinéast à l` égard des personnes et des décors filmés. La rupture de Vanda consistait à établir l` égalité de parte et d´autre d´une caméra instalée dans une frontalité affirmée, à hauteur d` yeux. Ventura, c`est autre chose: plus vieux, plus grand, plus lointain, plus mystérieux. En avant, jeunesse est né de cet écart, de l` humilité, de l` infériorité reconnue par Costa face à son héros. L` explication paraît courte? C`est pourtant un trait singulier du cinéma de Costa: que chaque film s` origine entièrement dans la vérité de la personne élue, ou électrice. Avant de diriger Ventura, Costa commencé par se laisser diriger par lui, à adopter la position que lui dictaient sa présence et son histoire: en contre-plongée devant un géant.

Forte et fascinante, Vanda restait une jeune femme avec un problème de drogue; le film égrenait les séquences au fil d` une chronique d` un quotidien sublime. Ventura est une legende vivante, En avant, jeunesse hausse le récit et la forme au niveau du mythe, de la parabole.
Les pás de géant est franchi dès le premier plan: dês meubles passent par la fenêtre s` écrasent dans la cour du Dernier des hommes.
Deuxième plan, une femme surgit de la profondeur obscure, un coucteau à la main, évoque sa jeunesse intrépide parmi les requins de l` océan capverdien, regagne les ténèbres son récit achevé. Le cocteau a le même éclat que celui de De la nuée à la résistance (Straub) ou que les sabres du dernier plan de La Patrouille perdue (Ford). Tournedisques, abat-jour orange, mappemonde à l` arrière-plan, les objets seront rares dans un film qui grandit leur préseuce triviale d’une aura magique.
On ne reverra plus l` etrange pythie au cocteau. Entre les deux plans, un abîme, une énigme, dont la solution será donnée par Ventura dans les minutes suivantes: Clotilde, sa femme, l` a chassé, a détruit tout seus meubles et ses affaires, les blesant à la main d` un coup de coucteau.
C`est le point de départ trivial du récit: une femme chasse un homme, le jette dans une errance domicile, entre les derniers restes du vieux bidonville et les logements sociaux neufs où la communauté est progressivement relogée. Le pás de géant, c`est la manière dont Costa convertit sans l` abolir l` errance d` un homme en voyage, d` un roi sans couronne dans la mémoire collective de son peuple abandonné.

Dès l` apparition de Ventura, un trouble est jeté quant à sa santé mentale, si ce n` est sa véritable identité, sa nature. Bete, chez qui il cherche refuge, qu` il appele sa fille, ne reconnaît pás son père en cet homme: «Ventura, tu t`es trompé de porte» Il insiste: plus jeune, il se trompaitde porte, de personne, «tout les portes étaient pareilles». Plus maintenant. Au fil de son errance, Ventura considere comme ses effants tous les jeunes gens croisés. Vanda ne le corrige pás, l` appele «papa» en retour. Dans un scène coçasse – En avant, jeunesse est aussi une comédie –, Ventura semble réaliser que sa «fille» Vanda est mariée à l` un de ses «fils», le taciturne ouvrier qui partage ses repas.

Dans la chambre de Vanda opposait nettement la famillie dês deux soeurs aux garçons qui, à tort ou à raison, pouvaient passer pour orphelins. C`est une dês frontières franchies par En avant, jeunesse, où la famille s` invente, se décrète, se mue en fiction de la communauté. Le pouvoir de Ventura de s` attribuer la paternité de ses «enfants» est l` équivalent dans le récit de celui du cinéaste à l` égard dês habitants du quartier. L` indistinction entre personne réelle, acteur et personagge repose sur le príncipe d` un décret d` incarnation. Costa affirme qu` à l` origine du film résonne une formule magique: tu resteras Ventura, mais tu seras aussi roi, prophète, patriache ou demi-dieu. En avant, jeunesse ressuscite la tradition d` un cinéma de l` incarnation magique: celui de Rouch, ou dês paysans ougandais en personnages d` Eschyle dans Carnet de notes pour une Orestie africaine (Pasolini).
Qui est donc Ventura? Un ouvrier cap-verdian, émigré à Lisbonne en 1972, ancien maçon ayant participé à la construction de la fondation Gulbenkian.
La séquence de la visite de Ventura au musée condense l` énigme du personnage: roi lorqu` il s` assied sur un canapé Louis XIV pour regarder un Rubens accroché au mur qu` il a peut-être érigé, immigré encombrant lorsqu` un de ses «fils», gardien du musée, le chasse à son tour en lui expliquant que les damnés de Fontainhas n`appartiennent pás à ce «monde ancien». Il se trompe: Ventura appartient aussi à ce monde ancien. La construction temporelle du film ne se laisse pás aisément déchiffrer à la première vision, mais il serait erroné, à la seconde, de distinguer nettement deux temps, un passé alternante en flash-back avec la continuité du présent. Certes, un bandeau ceignant le front de Ventura designe une série de séquences appartenant au passé – Ventura, fraîchement débarqué du Cap-Vert, vit dans une baraque avec son ami Lento et travaille au chantier de la Glubenkian.

Il y aurait donc d` une part le présent de l` errance entre l` ancien et le nouveau quartier et d` autre part le passe, en flash-back morcelé, du travail, de la lettre à la femme restée au Cap-Vert, de l` accident de Ventura et de la morte de Lento. Mais à quel temps appartient la séquence , vers la fin, où Lento ressuscité fait visiter à un Ventura sans bandeau une maison calcinée, où les deux amis, main dans la main, parlent des drames du passe et font des projets pour le présent? On a vu auparavant Lento mourir en toubant du haut d` un poteau d` électricité, on entend ici qu` il se serait jeté par la fenêtre , qu` il aurait mis le feu à sa maison. Hypoyhèses de douleur et de colère.
Cette séquence échappe au «présent» comme au «passe», invite à penser autrement la temporalité du filme t la nature des êtres qui le peuplent. Comme dans L`Année dernière à Marienbad, les personages sont des corps conducteurs d` hypothèses de récit, condensations provisoires et changeantes de multiples possibles, circulant entre des nappes de temps et degrés de monde qui ne se laissent pas ordonner selon le partage du présent et du passe, du réel et de l` imaginaire. Le hiératisme des postures et l` artificialité de la diction, la conception du personnage doivent à Resnais davantage qu` à Bresson. Le traitement sériel du récit et de l` espace les rapproche aussi: la plupart des situations sont répétées, les mêmes lieux reviennent, vennelle de Fontainhas ou portion de rue devant la maison de Bete, scènes identiques où se succèdent différentes combinaisons de personnages. Esthétique de la varation condensée dans la série de récitations de la lettre que Lento demande à Ventura d` écrire. A cette série répondent, en un écho ironique, les bégaiements du disque secoué par Lento, puis la reprise, live, par Ventura, de la même chanson révolutionnaire cap-verdienne.
Mais quand Resnais s` en tient dans Marienbad à un jeu mental, la puissance politique de Costa réside dans la déformation par l` arquitecture imaginaire d` une matière documentaire precise: l` existence contemporaine des sous-prolétaires d` un biddonville de Lisbonne, leur mémoire collective et individuelle d` un passé traumatique, les injustices hier et aujourd`hui. On pense à Muriel, à sa galerie se morts-vivants errants dans une Boulogne déchirée entre les vestiges d` un passé traumatique et le grand effacement moderne.

Il y a de la magie alchimique dans cette transmutation de la matière brute du quartier en un écheveau narratif halluciné, au bord du fantastique, d` une splendeur plastique qui fixe un nouvel étalon à l` image vidéo. Il y a surtout beaucoup de travail: un an et demi de tournage, 350 heures de rusches, jusqu` à une trentaine de prises par plan. Avec pour tout matériel une mini-DV, neuf miroirs et aucune lumière artificielle. C`est l` autre pas de géant, qui sépare En avant, jeunesse d` Où Gît Votre Sourire Enfoui? au terme de l` autre trilogie. Costa est parvenu à une maîtrise de son outil digne d` un grand peintre. La comparaison n` est pas gratuite, car c`est le même artisanat, la même patience, la même distillation d` un savoirfaire. L` élaboration de la lettre par sa récitation répétée inscrit présisément dans le film la méthode de travail de Costa: sans jamais être écrits, les dialogues se raffinent au fil des móis et atteignent la densité de son et de sens de la haute poésie.
Costa raconte avoir trouvé la forme d` Où gît …le jour où il a compris l` usage qu` il pouvait faire de la porte du studio où il restait enfermé avec les Straub. En avant, jeunesse, plus grand «film de portes» depuis Lubitsch? Élement poétique central de la mise en scène, plus proche des miroirs magiques de Cocteau que des portes de la comédie américaine, elles distribuent certes l` apparition et la disparition des personnages, mais règle surtout leu circulation d` une strate à l` autre du récite, entre des cellules spatio-temporelles que rien d` autre ne raccorde. Les portes ne sont plus «pareilles» aujourd`hui – chacune joue son rôle singulier. Se substituant dans la plupart des plans à toute profondeur de champ, elles distribuent les incarnations possibles de Ventura. Lorqu` à plusieurs reprises, il apparaît immobile dans l` embrasure d` une porte absente, le rectangle obscur devient comme une cercuiel dressé.

Qui est alors Ventura? Un martyr, um fantôme, un non-morte, passe-murraille sorti ténèbres derrière la porte pour rassemblet ses «enfants»: retisser les liens de la communauté éparpillée, recoudrele passé, le presént et l` avenir. «On voit beaucoup de choses dan les maisons des mortes» dit-il à Bete. Sur le mur verdâtre de sa maison, elle voit un diable chevauchant un lion. Sur les murs calcines de la maison de Lento, Ventura voit le passé et l` avenir. Il ne voit plus que des araignées sur les murs trop blancs de l` appartement trop petit qu` il a l` audace de refuser.
Par leur trivialité, les séquences dans la nouvelle chambre de Vanda se distinguent de la majesté incantatoire et hallucinée d` En avant, jeunesse.
C`est une nouvelle Vanda, mais elle incruste dans le film de Ventura le souvenir et la tonalité du sien. Au moment du tournage, seule demeurait la maison de Bete du quatier détruit de Fontainhas. Une étendue d` herbes folles l`a aujourd`hui remplacée. Pourtant, Pedro Costa compte poursuivre son chemin avec «le quartier» et ses habitantes.
Après les sommets atteints par En avant, jeunesse, il est impossible d` imaginer où le conduirait un autre pas de géant. Car ce cinema- là reste à inventer.

Cahiers du Cinema, Nº 631

quarta-feira, 20 de fevereiro de 2008

sorriso


Où Gît Votre Sourire Enfoui?

Por: Luís Miguel Oliveira

Há tantas razões para se ficar deslumbrado com "Onde Jaz o teu Sorriso?"... Pegue-se no lado desmistificador (chamemos-lhe assim): alguém imaginava que um filme sobre Straub e Huillet pudesse desenrolar-se quase como uma comédia conjugal, com momentos dignos de uma "screwball comedy"? E que esse vertente, tão calorosa e humanizante, pudesse conjugar-se assim com a exposição de um método de trabalho, e, acima de tudo, com a enunciação de uma disciplina do olhar? "Onde Jaz o teu Sorriso?" é uma pequena pérola, um dos melhores filmes sobre realizadores alguma vez feitos. Escuro e cerrado, mas cheio de luz e de liberdade o que não é contradição nenhuma, neste caso.

......

Por: Kathleen Gomes


Um dia, perguntaram a Pedro Costa se aceitaria fazer um filme sobre Jean-Marie Straub e Daniéle Huillet. "Pareceu-me a coisa mais absurda e, ao mesmo tempo, mais evidente. Só faltava telefonarem-me a perguntar se quero fazer um filme-homenagem ao António Reis..." Porque, explica, são eles que "estão no princípio" do seu cinema.
"Onde Jaz o Teu Sorriso?" ("Où Gît Votre Sourire Enfoui?", no original), documentário sobre o casal de cineastas franceses, é, então, o filme de uma filiação, não no sentido da citação cinéfila, mas de reconhecimento de uma atitude perante o cinema. "A bóia de socorro, para mim, foi sempre os Straub. Se eu precisava de alguma sensualidade no cinema de vez em quando, ou se preciso ainda, sei que são eles, não é o Godard."
Costa chegou a eles por "encomenda pura". O canal franco-alemão ARTE propôs-lhe rodar um filme sobre Straub e Huillet, no âmbito de uma lendária série sobre cineastas, "Cinéma de notre temps", criada por André S. Labarthe e Janine Bazin nos anos 60, que "estava a dar os seus últimos suspiros". "Onde Jaz o Teu Sorriso?" é a versão alongada do filme que, entretanto, já foi exibido pelo ARTE, sem constrangimentos de formato. Este é que é, portanto, o filme - o outro, diz Costa, nem consegue olhar para ele.
Entra-se nele através das imagens iniciais de "Sicília!" (1999), com as vozes de Straub e Huillet em "off" - só mais tarde se irá distinguir, na penumbra, o perfil de cada um. "Quer o meu lugar?", pergunta ela. "Nem pensar", responde ele. Entre eles, o cinema nasce de um pequeno teatro de desacordos, algures nesse "fotograma de diferença" que, segundo Danièle Huillet, os separa. "Attachez votre ceinture". Aperte o cinto. Porque vai assistir a algo singular.
"Onde Jaz o Teu Sorriso?" acompanha a montagem de uma terceira versão de "Sicília!". Este é, portanto, um filme sobre esse trabalho longo, doloroso, decisivo, de combate frente a "uma matéria que resiste", como dirá Straub. "Quando o Jean-Marie me disse que iam para uma escola no Norte de França montar uma terceira versão do 'Sicília!", pensei que, se calhar, era isso que eu queria filmar, a montagem", lembra Pedro Costa. "Ele disse logo: 'A montagem não se filma, não consegues'. Respondi-lhe: 'Mas posso tentar.' Ele ainda insistiu: 'Mas olha que aquilo é trabalho, como é que vais filmar?' Tentei explicar-lhe que queria filmar o cinema pelo trabalho longo, de forma a que na duração do meu próprio filme estivesse a duração do que é a montagem. E, aí, ele disse: 'Mas, atenção, porque não descobrirás segredo artístico nenhum, isso não existe.'"
Até porque o que Straub e Huillet fazem não é segredo, mesmo que seja um caso à parte: há quatro décadas que andam a filmar o vento nas árvores e o fogo das montanhas, perscrutando na matéria a essência do cinema. Por isso, lhes chamam materialistas. Nada mais certo, nada mais errado. O território por excelência da dupla é o inaprisionável, aquilo que procuram na duração de um gesto ou de uma expressão, uma zona intermediária no tal "fotograma de diferença", o "entre-deux".
O filme de Pedro Costa confirma essa obsessão: na velocidade pára-arranca das imagens de "Sicília!", Danièle Huillet julga ver um sorriso nos olhos de um actor. Será que ele existe mesmo? Será que o vemos? "O realismo dos Straubs é tão forte que os faz ver coisas que não estão lá. Uma borboleta, um sorriso, normalmente são coisas boas e bonitas.", explica Pedro Costa. "E quando começam a existir de tal maneira para eles, começam a existir para mim também. Essa foi a grande surpresa: percebi que eles acreditam em coisas que não estão lá e isso deu-me muita confiança. Porque eu vivia num dilema grande: como é que sendo tão profundamente realista, de vez em quando tenho estas dúvidas metafísicas e místicas?"
relâmpago. Sendo um filme sobre o processo da montagem (até no sentido pedagógico), "Onde Jaz o Teu Sorriso?" é também um fulgurante filme sobre o cinema. Que, a partir da dupla de cineastas, transborda para além deles. Citando de memória diálogos de filmes, e desafiando a câmara num "trivial pursuit" cinéfilo - "Qual é o filme?" -, Jean-Marie Straub vai fazendo as suas reflexões teóricas sobre cinema.
Na exígua e escura sala de montagem, de onde o filme raramente sai, ele é irrequieto como uma criança, num constante vaivém entre o corredor, ela permanece sentada frente à moviola, concentrada e disciplinada. Este é também um olhar sobre a relação de um casal, a um tempo terna e violenta. Um belíssimo filme sobre o amor, portanto.
"Produzir qualquer coisa com a capacidade do outro. É o amor, é a definição do amor para Brecht", adianta Pedro Costa. "O filme fala um bocado disso: como é que se conhecem, como é que se amam as pessoas. Quem não conheça os Straub ou não saiba que são um casal, o que já aconteceu, leva um tempo a perceber que eles estão juntos há tantos anos, que são marido e mulher, que não podem passar um sem o outro, se um morrer o outro morre. A certa altura, naqueles vaivéns entre eles, há uma espécie de relâmpago e percebe-se que eles são inseparáveis e que aprendem um com o outro, apesar de tudo, mesmo nas tonterias. Que ela gosta do que ele faz, do 'show-off', que precisa disso. E, apesar de recusar tudo o que que ele diz, toda a teoria, é evidente que o admira muito. Ele faz o romance e ela faz o suspiro, ela concentra tudo, é o suspiro concentrado dele."
Ela: "Cale-se, Straub!" Ele: "Tenho uma coisa para lhe dizer, mas vou ficar à espera da sua permissão, senão digo na mesma." Costa filma-os como um casal do burlesco, libertando "gags" em cadeia. "Eles têm um lado burlesco, mas acho que estão mais próximos do cinema clássico americano, Spencer Tracy-Katharine Hepburn, Bogart-Bacall... Parece que eles são feitos para aquilo: quando o Jean-Marie pára, ela começa, para completar com uma coisa que ainda é mais engraçada ou para subir a parada. É muito, muito próximo do Lubitsch."
danièle, como vanda. Pedro Costa rodou "Onde Jaz o Teu Sorriso?" quando o seu anterior filme, "No Quarto da Vanda", estava em montagem. "Estava a ser uma coisa mutíssimo difícil e toda a gente, eu, a Patrícia [Saramago, montadora] e o Dominique [Auvray, montador], íamos para casa de rastos, em silêncio, com o rabo entre as pernas. Portanto, de repente, pensei que talvez pudesse desanuviar um bocado." Acabou por passar qualquer coisa de um filme para o outro: a câmara - digital, a mesma de "No Quarto da Vanda" - está diante de Straub e Huillet, como antes estivera diante de Vanda Duarte, com a mesma proximidade silenciosa, com o mesmo respeito, com a mesma ternura. Costa prefere falar de "correspondências muito, muito secretas". Mas não é isso, afinal, que o seu cinema, e o de Straub-Huillet, andam à procura, do sorriso escondido, subterrâneo, "enfoui", como se lê no título original?
"São coincidências: é um quarto, é uma sala, são pequenos gestos, uma pequena insistência em tornar grandioso o quarto. É um bocado como a Vanda: ao princípio, certezas absolutas, no fim do confronto, seja entre os dois, seja entre a Vanda e os outros, aquilo tudo vacila. Como na cena em que a Danièle diz que o actor tem um sorriso nos olhos. No fim, durante toda a discussão, de frente para trás, é a própria Danièle que diz que não há nada nos olhos, não há ali sorriso nenhum, há talvez qualquer coisa..."
No quarto dos Straub, então, mas sobretudo no quarto de Danièle. A sala de montagem é o território dela - Jean-Marie está sempre no limiar da porta, está muitas vezes do outro lado. Depois de Vanda Duarte, Costa encerrou-se no quarto com outra mulher. "De facto, foi ela que me deixou estar. E foi muito o Jean-Marie, calculo, que convenceu a Danièle. Ela foi muito mais silenciosa e recebeu-me na sala dela impondo algumas condições: que a gente não a chateasse muito, que não estivéssemos muito próximos, nas costas dela, a luz era impossível senão ela não via as coisas, o monitor..."
Danièle Huillet há-de deixar, por fim, a sala. Ela e Straub estão à porta da sala de projecção, aguardando a saída dos espectadores do seu filme, com o "impulso lírico" da música de Beethoven. "Pode dar a impressão de alguma melancolia, mas não sinto isso. É muito parecido com o fim de 'No Quarto da Vanda', em que se vê um pilar de uma casa que ficou lá. E fica lá tão tenazmente que já ninguém se lembra de o abater, porque é impossível. Nem sei qual dos dois finais é mais exaltante para mim."
Grandioso filme este, grandiosos cineastas: quem quiser construir a casa toda, só tem de saber olhar. E assim, "um suspiro torna-se um romance". Jean-Marie Straub dixit.

I don’t have ideas to make films, I just follow the movement.

V'-Interview: Pedro Costa - The film is rolling like the earth is rolling.

The VIENNALE was dedicating a Special Program to the Portuguese filmmaker Pedro Costa and was showing the unique development of one of the great contemporary European essay filmmakers. Pedro Costa is attending the VIENNALE; we met him for a conversation on his access to film and his perception of the world.


VIENNALE: When you have the idea for a film and thinking about it has reached a certain level that makes realization possible, how do you approach writing your scripts?

PEDRO COSTA: I don’t write scripts in a usual way. Sometimes I have to write 10-20 pages to get some money for the film, because no producer, no TV-station would be convinced without having a kind of synopsis or scenario.
My method is to spend a lot of time with a whole ensemble of things: with people, places, problems, and everything is real, we are not talking about the film or actors. And then I chose one direction or another direction, in which to go is more or less the beginning of the shooting of the film. This is done in a long, long period of time. It takes a long time to just be there, sitting, talking, drinking, and the second step then is to say, ok, I am going to follow this girl or that situation and then staying or not staying in this track. For instance, for my film “In Vanda’s Room”, I decided to follow that girl, Vanda, and I decided to work with her, in her room. And in her room, where I was filming, I then saw that people passing by which made me decide to go out and see a little bit more of what was going on outside of the room. Then I have to put the material together. The whole thing is written in the editing room more than on paper, so in a sense it is writing, but in another language. And then I hope that the construction is solid, so solid that it can be poetic and narrative, like prose and maybe it can give the people a secret.

VIENNALE: Filming and editing always means manipulating too. How do you see the connection between film and the possibility to picture reality?

PEDRO COSTA: Of course, but I don’t want to think about it too much. Manipulation of reality is a big theme. One can have wonderful arguments and ideas on that but you are going to block yourself with these thoughts. It should work on another level: you believe in something and then you do it. If you don’t believe in something then leave it. That’s why I think that 90% of all the films nowadays should not be done. I don’ see the trust-contract. When I see a film today I see contracts with the actor, the producing company, even with the audience sometimes. It’s all about money. Some directors make the same thing over and over again, and when you go to a new movie, you already know what you’ll get. This whole thing is more manipulating than anything else.

VIENNALE: In the film “In Vanda’s Room”, you visit Vanda Duarte and film her in her room over a certain period of time every day. What was this whole situation of daily filming someone taking drugs and ruining herself like for you and for Vanda?

PEDRO COSTA: The people I film are also my friends. I do not only work with them, we are together a lot, we eat, drink and so on. Of course I worry, I make suggestions and so on but like she says in the film, it is her choice, people make these choices in life. I mean I can not go beyond. Vanda says she was forced to do this. People are forced to be pour, are forced to be depressed, are forced to be melancholic, angry and so on. It is outside. You wake up and you see dead rats, it smells bad, you have no money and immediately you are angry or sad or down. It is a very complex situation. I had this idea to ask her if I could do this work with her all the time. And it was heavy for her, because we were very close, the distance is very important. There was this trust thing between us, she said I trust you, I can do all these things, I can show myself in every situation, I am not afraid of that and I trust you that it will be more than just a film about drugs. And if you look around, most people on this planet live in very unpleasant situations, everywhere, in Japan, Africa, Asia, South America, it is a state of physical and mental destruction for me. Straub says something very beautiful. He says when you make a film the first thing you have to put in your head is that a river hundred years ago was a place you could swim in, today this is not possible anymore. That brings you in a certain mood, a state of tension that perhaps will focus you on what really is important. And with Vanda it is the same. We all want the same thing, it is very simple, we want to be happy. And Vanda is very proud now that she made this film. She stopped taking drugs and she has a baby.

VIENNALE: Was the film a reason for her to change?

PEDRO COSTA: No, I don’t know. Perhaps, but I don’t want this film to be more than it is. If it helps something, it’s ok. I would like to believe that film and music are very useful, but I don’ know. In the back of my mind I have this idea, because it was useful for me. We have a very faded idea of what life is. We are in an absolutely stupid process of degradation and destruction.

VIENNALE: Your films deal a lot with possibilities and impossibilities of communication. There is an interesting allegory on communication by Arthur Schopenhauer: It is about porcupines that come together very closely on cold winter days to warm up, but as soon as they are together, they hurt each other with their stings. So they part again, but then they also have the need to come together again. It’s like this whole mess of human communication…

PEDRO COSTA: I am a firm believer that it’s the things we do together that affect us individually. It’s the way the things are organized that finally mess up our heads. Some ancient forms of organisation worked better I think. Everything is going in fragments and small pieces. Making a film for a young person seems to be much more difficult than when I started 12 or 13 years ago. A young man with a camera today is even more lost, and I’m not only talking about the money you need to make something. It’s how you can concentrate, communicate, how you can assemble something in your mind, how you can be focused, because everything is broken. We function in segments.

VIENNALE: Do you think that life is getting faster and faster these days?

PEDRO COSTA: There is an impression of things, I don’t know if it’s the reality. One of the things I like about the work with Vanda in this film, is that it’s a very slow thing, nothing moves. For me it’s still very quick. If you look closely, you can see the walls move. Sometimes the colours change, light changes and that’s the speed of the sun because I don’t use artificial light. You see the speed of the planet, the universe, the sun turning. My friend Jacques Rivette says, when you shoot a film you’re going along with the planet. The film is rolling like the earth is rolling. You should be in the same speed. With some filmmakers I like, you have that impression that they are in the same speed. A film like Vanda, which is a very long film, 3 hours, I felt it should be 3 hours because if it was only 10 minutes or half an hour people wouldn’t see it the way I wanted them to see it. Some things are very slow today. You go very fast in a plane or a train but you go very slowly in your head. I think people used to be faster in a way that they went with the world, with the movement. Today, it’s fake movements, it’s artificial things, like drugs. You want to be in a state of going very slow or very fast but not your natural thing. You want to forget your situation, you don’t want to talk to a person, to the world. So you put yourself in very transformed states. For me, it’s not Vanda who is drugged, it’s the world. Sometimes I go to the cinema and I really don’t understand what’s happening on the screen. When the camera moves around and goes very fast, I don’t see anything. Probably it’s to give an impression of the speed of life today but I think you should do this in another way.

VIENNALE: What is your next project going to be like?

PEDRO COSTA: For my next film, I’m just finishing the editing now and mixing the sound. As I said I don’t have ideas to make films, I just follow the movement. So I followed this community I’m with, Vanda and her family and another family; all these people in the neighbourhood. Since they had no houses, they moved to a social complex and I went along with them. I started working with a man and he told me a lot of interesting things about his life and from there we went to a situation with his family and now we have this monster of 4 hours. It will be called “Colossal Youth”.

VIENNALE: Thanks for the interview.

(Interview: Jürgen Berlakovich)