sábado, 16 de janeiro de 2010

Ne change rien, dernier film de Pedro Costa sort en salles. La Cinéshadothèque Française organise une rétrospective de son oeuvre.
Pedro Costa est célèbre et célébré. Son cinéma parle à la France. C’est, profondément, un cinéma d’auteur. Donc un cinéma français. À une époque où cette tradition de recherche est devenue une institution et un système, une nouvelle qualité française.
Exemplaire, l’oeuvre de Costa n’est pourtant pas un modèle. Ni économique, ni artistique.
Il y a deux ans, lors d’une rétrospective au FID (belle parce qu’enrichie d’une somptueuse carte blanche), Costa avait dit : je suis un cinéaste hollywoodien. Il n’y a rien de plus européen que de se revendiquer fordien, tourneurien, walshien, hollywoodien.
Mais pour Costa c’est aussi dire : depuis Vanda (2001), je sais comment un cinéaste européen peut être hollywoodien.
Comment ? L’histoire est connue, mais racontons-la une dernière fois.
En 1997, Pedro Costa tourne Ossos à Fontainhas, bidonville lisboète. C’est une production traditionnelle avec caméra 35mm, travelling, projecteurs, et assistants. Costa fait partie du métier, du milieu du cinéma portugais. Le tournage avance, chacun à son poste : routine du cinéma d’auteur européen. Et le malaise grandit, le sentiment d’un mensonge, d’un déséquilibre, à la fois moral et concret, de part et d’autre de la caméra. « Les camions ne passaient pas, le quartier refusait ce cinéma, il n’en voulait pas », dira plus tard Costa. Trop de misère et de désespoir devant, trop de moyens et de gaspillage d’énergie derrière. Trop de lumière aussi, pour éclairer la nuit un quartier habité par des ouvriers et des femmes de ménage qui se lèvent à cinq heures du matin. Alors, un soir, Costa décide de couper la lumière, d’éteindre les projecteurs, pour atténuer un peu le sentiment honteux et l’indécence de l’invasion. Ce geste est doublement inaugural : parce que Costa trouve ainsi sa lumière, cette qualité d’obscurité et de nuances qu’il ne cessera ensuite de raffiner ; parce qu’il comprend que ce cinéma-là n’est pas le sien, qu’il ne veut pas de travelling, pas d’assistants, pas de producteur, pas de projecteurs. Ce qu’il veut, c’est être seul dans le quartier avec ces gens qu’il aime. Prendre son temps, trouver le rythme et la méthode de travail qui s’accorde à leur espace, à leur existence. Faire table rase, recommencer à zéro, réinventer son art. Trois ans après ce saut dans le vide, Dans la chambre de Vanda apparaîtra comme le film de ce nouveau départ – à l’échelle de l’œuvre de Costa, mais aussi de l’histoire du cinéma.
Est-ce qu’être hollywoodien veut dire absorber toutes les fonctions : producteur, réalisateur, scénariste - bref, avoir le contrôle absolu ? Oui. Et non. Il s’agit de cela. Mais aussi d’avoir une limite. De se sentir employé, contraint, limité.
Cette limite, dans le cinéma classique, se nomme le studio. Costa la trouve dans ce quartier de Fontainhas. Quartier qui est à la fois un décor allant à sa perte et une humanité qui continue à exister dans ces ruines.
Daney a dit de Straub : n’existe pour lui que ce qui résiste. Chez Costa, qui de Straub s’est toujours senti l’élève, ne résiste que ce qui disparait. Où disparaitre veut dire exister dans cette disparition.
Le cinéma de Costa enregistre cette disparition comme s’il l’imaginait. Comme une monade imagine le monde. Sans vraiment le toucher ou intervenir sur lui, mais comme trouvant en elle même, comme un rêve, un souvenir ou une anticipation, le reflet de ce monde pourtant bien réel qui est celui de Vanda, de Ventura, et de Jeanne.
La rétrospective sera l’occasion de redécouvrir les premiers films de Pedro Costa, et de suivre très simplement cette oeuvre, film après film et en commençant par le dernier.

CN, ER, AT

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